Les incroyables voyages de Scarlett Hooft Graafland
Monde / Culture

Les incroyables voyages de Scarlett Hooft Graafland

Fanny Arlandis -

Les images de Scarlett Hooft Graafland sont légères, colorées, presque surréalistes, «même si elles abordent des thèmes importants comme la disparition des cultures traditionnelles et la fragilité de la nature», précise la photographe. «J’aime voyager dans des endroits reculés et explorer des cultures étrangères éloignées du monde occidental. Je veux capter l’aspect essentiel des communautés locales. En montrant des objets et des situations isolés, mais culturement significatifs, dans un monde naturel indomptable et en constante évolution, j'essaie de me rapporter à l'expérience essentielle de l'être.» Le travail de Scarlett Hooft Graafland a été exposé à la Flowers Gallery.

Angèle, Madagascar, 2013 | Scarlett Hooft Graafland, Courtesy of Flowers Gallery London and New York

 

«Dans mon travail, j'essaie souvent de réfléchir aux légendes et aux histoires des différentes cultures que je rencontre quand je voyage. Je veux les associer au paysage local en créant de petites interventions dans le paysage. C’est ce que j’ai voulu faire en montrant Angèle (une femme qui cache en partie ses propres moyens d'existence) dans une formation rocheuse, avec son visage recouvert de poussière de bois jaune (ce que les agriculteurs Malagashy utilisent pour protéger leur peau contre les rayons du soleil).»

Turtle, 2013 | Scarlett Hooft Graafland, Courtesy of Flowers Gallery London and New York

 

«C'est la même chose lorsque je fais porter à une fille la carapace d'une tortue sur son dos, protégeant son corps nuisible et vulnérable d'une manière qui s'est avérée insuffisante pour les tortues de Madagascar, menacées par l'intervention humaine. La situation d'Angèle et celle des tortues concernent la vie et l'histoire de la culture locale de Madagascar mais, en même temps, elles racontent une histoire plus large et universelle.»

Still Life with Camel, Émirats-Arabes-Unis, 2016 | Scarlett Hooft Graafland, Courtesy of Flowers Gallery London and New York

 

«Lorsque j'ai visité les Émirats arabes unis et le Yémen, mon attention a été attirée par l'utilisation de tissus, à la fois pour “dissimuler” et “révéler”. Cette utilisation joue un rôle majeur dans la culture et je pensais qu'il serait formidable de l'utiliser dans une performance. J'aime que le tissu rose et fin révèle tout de même certaines parties du chameau et des deux hommes, mais dans cette image, les volumes deviennent aussi des formes ambiguës. Cela me rappelle une scène pastorale, comme l'imaginaire idyllique que l'on trouve dans l'histoire de l'art

Burka Balloons, Yémen, 2014 | Scarlett Hooft Graafland, Courtesy of Flowers Gallery London and New York

 

«Les “ballons burka” mettent aussi en avant des volumes. La photo a été prise sur un littoral isolé de l'île de Socotra, au Yémen, l'un des pays ayant des règles strictes pour les femmes. Cette fois, j'ai essayé de faire écho aux formes suggestives des silhouettes des femmes en noir avec les formes rondes similaires des ballons, un objet qui n'est probablement pas immédiatement associé à la burka. Pour moi, ces ballons donnent un sentiment de liberté, de joie, souligné par le paysage incroyable, l'immense mer turquoise et les montagnes presque surréalistes de Socotra. J'aime l'effet d'ambiguïté présent dans cette scène. Dans mon travail, j'utilise souvent un juxtaposition troublante des objets de tous les jours ainsi que l'étrangeté de certains paysages qui suggèrent une réalité qui va au-delà de la prévisibilité des lois de la vie quotidienne ou des lois de la nature et de la physique.»

Carpet, Bolivie, 2010 | Scarlett Hooft Graafland, Courtesy of Flowers Gallery London and New York

 

«Des épices multicolores remplissent des polygones naturels créés par le vent du désert. Après quelques heures, le vent a pris la poudre savoureuse et l’a mélangé avec le sel qui se trouvait à la surface. Dans la nature sauvage, je prends conscience d’être en vie et dans les cultures étrangères, je suis consciente de ma propre identité. Ce sentiment de libération contraste souvent avec les traditions fascinantes de la culture locale.»

Discovery, Bolivie, 2006 | Scarlett Hooft Graafland, Courtesy of Flowers Gallery London and New York

 

«J’aime souligner l’importance des circonstances qui se présentent dans un endroit précis. Alors que je traversais pendant des heures le désert de sel aride et sans vie en Bolivie, un petit îlot sur laquelle se trouvait un cactus géant a soudain émergé. J’étais fascinée par le fait que ce monument impressionnant témoignait de la vie et de la fertilité alors que grandissent ses deux parties vers le ciel. En tant que femme, qui par nature a eu la prérogative d’accoucher et de donner la vie, j’ai décidé d’amplifier sa signification en le positionnant entre mes deux jambes.»

Fish, Madagascar, 2012 | Scarlett Hooft Graafland, Courtesy of Flowers Gallery London and New York

 

«Cette image montre sept canots en bois sur le rivage de Belo sur Mer, avec sept paires de genoux de pêcheurs qui sortent de leurs bateaux. Dans cette partie de la Chaîne du Mozambique, les pêcheurs n’ont souvent pas ou peu de travail car il n'y a guère de poisson. Je pense qu'il est important de montrer l'environnement naturel. De cette façon il est possible de transformer ces environnements souvent austères en acteurs dans les performances très chorégraphiées que je me crée là-bas. Ainsi, je crée une scène où les problèmes sociaux locaux occupent le devant de la scène et où le vaste paysage surréaliste devient le chœur d'une tragicomédie classique qui commente en silence le sujet.»

Resolution, Malekula, 2015 | Scarlett Hooft Graafland, Courtesy of Flowers Gallery London and New York

 

«Je lisais le journal de Cook sur ses explorations en Nouvelle-Calédonie et à Vanuatu et j'étais particulièrement fascinée par son histoire sur des arbres spéciaux de plus de 60 mètres de haut. Cela a suscité ma curiosité et j'ai décidé de voyager dans la même région, à la recherche de cet arbre. En raison de son influence dans cette partie du monde et parce que je reproduisais ses explorations, je voulais chercher et rapporter une petite copie de son navire, la “Résolution”. À cause des difficultés survenues lors de mes propres voyages, le modèle réduit a à peine survécu. Ensuite, à ma grande surprise, j'ai découvert une tribu sur l'une des petites îles du Vanuatu, qui parle toujours de Cook deux siècles et demi plus tard. Le chef m'a montré l'endroit exact où les navires de Cook avaient posé l’ancre. Là-bas, j'ai photographié le navire à nouveau, entre les mains de “Hotel”, son fils, un jeune descendant du chef de 1774 qui accueillit le capitaine Cook sur son île.»

Salt Steps, Bolivie, 2004 | Scarlett Hooft Graafland, Courtesy of Flowers Gallery London and New York

 

«Un Bolivien dans un bassin d’eau sur les salines porte des bateaux gonflables en caoutchouc. L'un des dessins animés les plus populaires dans la région est “Hulk”, c’est l’histoire d'un homme ordinaire, qui, en colère, se gonfle et se transforme en un géant puissant. Gonflé par la colère, la forme semble perdue dans l'espace.»

Fanny Arlandis

Fanny Arlandis

Journaliste, elle écrit principalement sur la photographie et le Moyen-Orient pour Le Monde, Télérama et Slate.

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