Quand l'Angleterre de Thatcher imite l'URSS
Culture

Quand l'Angleterre de Thatcher imite l'URSS

David Rosenberg — Traduit par Aude Lorriaux -

Dans des photos qui semblent singer le réalisme soviétique, avec ses modèles d'ouvriers parfaits et d'agriculteurs fiers, le photographe Brian Griffin révèle l'envers du capitalisme. Qui est peut-être tout aussi autoritaire et froid que son cousin soviétique tant honni. Sa première exposition monographique est visible du 25 février au 9 avril à New York, à la galerie Steven Kasher Gallery, où l’on peut voir une série de portraits réalisés entre 1979 et 1990.

Office Dance, Stockley Park, London, 1986. Brian Griffin, Courtesy Steven Kasher Gallery, New York.

 

Le titre de l’exposition new-yorkaise, «Brian Griffin: Capitalist Realism» («Brian Griffin: réalisme capitaliste»), est une référence au premier geste artistique de Griffin, durant les années Thatcher. Un clin d’œil à ce que l’on a appelé le réalisme socialiste soviétique, à la gloire des valeurs communistes. Griffin s’est inspiré des peintres allemands et russes de cette époque, et il a créé sa propre version en prenant en photo des hommes d’affaires et des personnalités politiques. Il ne sait plus très bien qui a eu l’idée de résumer cela sous l'appellation réalisme capitaliste, mais il aime assez cette expression.

Carpenter, Broadgate, City of London, 1986. Brian Griffin, Courtesy Steven Kasher Gallery, New York 

 

Quand il était jeune et qu’il habitait en Angleterre, Brian Griffin travaillait comme ingénieur tuyauterie. Un jour, le chef d’équipe lui demanda s’il voulait le suivre au club photo du quartier. Brian Griffin a accepté, tombant finalement définitivement dans la marmite alors qu’il se sentait «paniqué» au début. Durant sa carrière, il a produit des clichés pour la presse, pour des entreprises et il a aussi photographié de nombreux musiciens.

 London by Night #22, London, 1986. Brian Griffin, Courtesy Steven Kasher Gallery, New York.

 

«J’aime ne pas savoir ce que je vais faire, avoir cette pression, ressentir cette incertitude, explique-t-il. J’aime vraiment cette sensation d’anxiété, de nervosité, d’insécurité et tous ces sentiments, si bien que je ne prévois jamais rien en avance…. J’ai envie de faire quelque chose de grand, de puissant, et je pense que pour y arriver j’ai besoin d’être toujours sur la brèche.»

A Broken Frame, England, 1982. Brian Griffin, Courtesy Steven Kasher Gallery, New York.

 

Peut-être grâce à sa formation d’ingénieur, Griffin n’a jamais été perturbé par les évolutions technologiques de la photographie. «J’aime le côté ciselé de la photographie numérique», dit-il, appréciant le rendu des nuances de ton permis par les réglages de lumière. «J’étais toujours déçu de ne pas arriver à reproduire le type de nuances que l’on trouve dans la peinture, mais avec la photo numérique, je peux arriver à être beaucoup plus précis dans mon travail… Je peux arriver à être plus proche des “beaux-arts” que lorsque je prenais des photos en argentique.» 

 Left: Bureaucracy, London, 1987. Right: Stanley Prince, General Manager, Stylewear, Birkenhead, U.K., 1979. Brian Griffin, Courtesy Steven Kasher Gallery, New York.

 Construction Time Again, Switzerland, 1983. Brian Griffin, Courtesy Steven Kasher Gallery, New York.

 

Griffin aime tout particulièrement préparer ses expositions. Il prend plaisir à donner carte blanche aux galeries sur le choix de ses photos, se disant très curieux de voir quelles œuvres elles vont choisir. Assez critique vis-à-vis de son propre travail, il est assez fier du travail accompli au début de sa carrière.

George Cooper, Head of Thames TV, London, 1974. Brian Griffin, Courtesy Steven Kasher Gallery, New York.

 

«Je suis assez surpris de voir à quel point j’étais bon alors que j’avais une compétence technique bien plus faible. Ce que j’ai réussi à faire, l’espèce de naïveté qui en ressort, cette pureté du regard alors que je sortais tout juste de l’université, en 1972, tout ça ne lasse pas de m’étonner. Je crois que ces moments de pure magie sont perdus pour toujours. Pour avoir ce regard, il ne faut pas avoir trop d’expérience et de connaissances, il faut être “brut en quelque sorte. J’adore ces photos, et ça ne me dérange pas du tout de le dire. Je les apprécie et je suis heureux de les avoir prises.»

 Rush Hour London Bridge, London, 1974. Brian Griffin, Courtesy Steven Kasher Gallery, New York.

The Big Tie #12, Broadgate, City of London, 1987. Brian Griffin, Courtesy Steven Kasher Gallery, New York.

David Rosenberg
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