Ces animaux ont presque disparu, voici leurs plus beaux portraits
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Ces animaux ont presque disparu, voici leurs plus beaux portraits

Fanny Arlandis -

Dans sa dernière série intitulée «Endangered», Tim Flach tire le portrait d'animaux menacés qu'il a photographiés dans le monde entier. Tamarin bicolore, Pithécophage des Philippines, Antilope saïga: plus de quatre-vingt espèces, dont certaines extrêmement rares, y trouvent leur place. Ce travail fait aussi l'objet d'un livre: Portraits de la vie sauvage en voie de disparition [Editions Heredium] qui rassemble plus de 180 images ainsi que les commentaires avisés du zoologiste Jonathan Baillie.

Tamarin bicolore. Nom scientifique: Saguinus bicolor. Distribution: Amazonie (brésilienne). Statut sur la Liste rouge de l’UICN: «En danger» | Tim Flach

 

«Au cœur de l'Amazonie se trouve la ville de Manaus, qui compte plus de deux millions d’habitants et grandit rapidement. Les restes de forêts suburbaines (qui disparaissent progressivement du fait de cette extension), ainsi qu’un lambeau forestier au nord de l’agglomération, sont les derniers fiefs du tamarin bicolore –peut-être le plus menacé de tous les primates amazoniens–, exposé aujourd’hui au misérable destin de devenir un accident de la route. Une opération de sauvetage, organisée par le Proyecto de Sauim de Coleira, en partenariat avec le Durrell Wildlife Conservation Trust, se hâte de récupérer ces animaux pour les transférer dans un biotope plus sûr. Mais pour assurer l’avenir de l’espèce à l’état sauvage, les conservationnistes doivent aussi mettre en place une population reproduite en captivité. Le sujet photographié ici s’amusait à grimper sur Tim et son matériel photographique.»

Nasique. Nom scientifique: Nasalis Iarvatus. Distribution: Bornéo. Statut sur la Liste rouge de l’UICN: «En danger critique» | Tim Flach

 

«Les nasiques aiment à se déplacer sur de grandes étendues dans leur aire d’habitat, mais celle-ci est de plus en plus morcelée. Ils se déplacent très peu en captivité – e qui signifie que si on veut les préserver, on doit sauver les forêts. Mais dans le Sabah, où ils sont connus (avec les éléphants locaux) comme une espèce vedette et une attraction à touristes, seuls 15 % des singes vivent dans des secteurs protégés. Les forêts non protégées sont transformées en zones d’élevage de crevettes ou en plantations de palmiers à huile. La situation est tout aussi grave dans le Kalimantan. Dans l’ensemble, un tiers des forêts de Bornéo a disparu depuis 1973, la plupart autour des franges côtières affectionnées par les nasiques, et la notion de "secteur protégé" offre peu de résistance face aux exploitants commerciaux. En 2011, la Norvège a donné à l’Indonésie un milliard de dollars comme encouragement pour protéger ses forêts, mais c’est trop peu et trop tard. À la cadence actuelle, Bornéo aura perdu la totalité de ses forêts tropicales non protégées en 2020.»

Pithécophage des Philippines. Nom scientifique: Pithecophaga jefferyi. Distribution: Îles de Leyte, Luzon, Mindanao et Samar, aux Philippines. Statut sur la Liste rouge de l’UICN: «En danger critique»

 

«Les pithécophages des Philippines se reproduisent lentement et moins de 10% des juvéniles arrivent à l’âge adulte. Aussi le programme d’élevage en captivité piloté par la Philippine Eagle Foundation (PEF) de Mindanao a-t-il marqué une augmentation rapide de la population de ces rapaces. En 1992, Pagasa ("Espoir") est devenu le premier aigle né en captivité. Ayant été apprivoisé par ceux qui le soignaient, il ne pouvait pas être rendu à la nature, mais il contribue au programme en se reproduisant. À 21 ans, il a ainsi engendré sa première femelle, Mahubay. En 2017, la PEF avait déjà fait naître 28 aigles. Les réintroductions n’ont cependant pas toutes réussi: par exemple, Kagsabua ("Unité"), réintroduit en mars 2008, a été abattu (et mangé) un mois plus tard par un fermier. Comment "l’aigle des singes" a-t-il évolué pour devenir si grand? La réponse réside dans l’absence de grands mammifères carnivores dans ses forêts natales. Avec très peu de compétition pour la nourriture, cet animal a pu grandir dans sa niche écologique de prédateur suprême… jusqu’à atteindre une envergure de 2,10 m. Reste que cette taille a maintenant tout d’une malédiction: avec la disparition des forêts, comme l’explique le biologiste philippin Hector Miranda, le pithécophage se retrouve dans un "cul-de-sac évolutionnaire".»

Antilope saïga. Nom scientifique: Saiga tatarica. Distribution: Fédération de Russie, Kazakhstan, Mongolie, Ouzbékistan,Turkménistan. Statut sur la Liste rouge de l’UICN: «En danger critique» | Tim Flach

 

«Chassée pour la viande, pour les cornes et pour la peau depuis la préhistoire, la saïga s’est montrée extraordinairement résistante, grâce à sa fécondité reproductrice à l’état sauvage. Le nombre en était pourtant tombé à moins d’un millier au début du XXe siècle, mais la protection totale en Europe (décidée en 1919) et en Asie centrale soviétique (en 1923) l’a ramené aux alentours de deux millions vers le milieu du XXe siècle. En 2015, l’épizootie a frappé. La bactérie responsable, Pasteurella multocida, n’est pas mortelle normalement et les scientifiques doivent encore expliquer pourquoi elle l’est devenue: une théorie est que le changement climatique a affaibli le système immunitaire des saïgas. Après une nouvelle crise et des milliers d’antilopes mortes en décembre 2016, les conservationnistes restent en alerte extrême, tout en espérant que ce mammifère attachant et bizarre réussira un nouveau retour.»

Grenouille lémur arboricole. Nom scientifique: Agalychnis lemur. Distribution: Costa Rica, Panama, Colombie. Statut sur la Liste rouge de l’UICN: «En danger critique» | Tim Flach

 

«Ses yeux globuleux à pupille verticale caractérisent la grenouille lémur arboricole d’Amérique centrale comme une créature de la nuit. Dans la journée, elle reste dissimulée dans les feuillages bas. À la tombée de la nuit, sa peau vert clair s’assombrit en brun rougeâtre, à nouveau pour des raisons de camouflage. La femelle lémur arboricole pond ses masses d’oeufs sur de la végétation surplombant un étang ou une mare: à peu près une semaine plus tard, les larves tombent dans l’eau pour se développer en têtards. Les populations ont fortement diminué ces dernières années, essentiellement à cause de la chytridiomycose et de la déforestation, et celle du Costa Rica résiste seulement en deux ou trois lieux des hautes terres.»

Rhinopithèque de Roxellane. Nom scientifique : Rhinopithecus roxellana. Distribution: Provinces de Gansu, Hubei, Shaanxi et Sichuan (Chine). Statut sur la Liste rouge de l’UICN: «En danger» | Tim Flach

 

«De récentes études génétiques suggèrent que l’expansion humaine a commencé d’exercer une pression sur ces rhinopithèques il y a bien cinq siècles. Les indigènes de Birmanie l’appellent mey nwoah ("singe au visage retourné"). Un petit groupe a ensuite été découvert en Chine, sur la frontière birmane –déclenchant une campagne d’appels aux deux pays pour coopérer étroitement à la protection de cette espèce territorialement partagée. La population totale, qui compte probablement moins de trois cents individus, est menacée par la chasse, l’exploitation forestière et les projets de barrages. Dans les forêts montagneuses du centre-ouest de la Chine, où la neige peut persister jusqu’à six mois par an, des troupes de rhinopithèques de Roxellane vivent en mangeant essentiellement des aiguilles de pin et des lichens. Leur résistance au froid a peut-être inspiré la croyance qu’une fourrure pelucheuse évitait les rhumatismes aux humains qui en portaient. Cette espèce –que les autorités considèrent comme un trésor national –bénéficie d’une protection légale totale. Une étude suggère que l’aire de l’espèce va se réduire d’au moins 30% en 2020, de 70% en 2050 et de plus de 80% en 2080. Et cela ne sera qu’une des nombreuses pressions…»

Propithèque couronné. Nom scientifique: Propithecus coronatus. Distribution: Madagascar. Statut sur la Liste rouge de l’UICN: «En danger» | Tim Flach

 

«Le propithèque couronné (ou sifaka) a une ravissante façon de se déplacer –par de grands sauts de côté, bras jetés en l’air pour équilibrer chaque bond–, même si l’on a du mal à l’imaginer en voyant la timide posture du propithèque ici photographié, Youssou, en captivité au Royaume-Uni. Le sifaka est l’un des plus grands lémuriens. Il a besoin d’arbres élevés pour nicher et se nourrir, et il est extrêmement vulnérable aux modifications de son biotope. Étant donné les immenses pertes d’habitat subies dans le centre-ouest de Madagascar (d’où il est originaire), il ne survit aujourd’hui que dans de petits lambeaux de forêt –bien peu se situent dans des secteurs protégés. Par bonheur, il peut s’accommoder d’un territoire vital de 1 km², si bien que les efforts de conservation peuvent se concentrer sur l’entretien de ces "micro-populations", afin de préserver la diversité génétique dans les programmes de reproduction en captivité.»

Fanny Arlandis

Fanny Arlandis

Journaliste, elle écrit principalement sur la photographie et le Moyen-Orient pour Le Monde, Télérama et Slate.

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