«Une bouffée d’oxygène sur deux est due au plancton dans l’océan»
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«Une bouffée d’oxygène sur deux est due au plancton dans l’océan»

Fanny Arlandis -

Entre 2009 et 2013, le voilier Tara a parcouru les mers du globe à la recherche de planctons. Le but des scientifiques était double: comprendre et défendre les océans. «Nous étions des biologistes cellulaires et moléculaires, explique le biologiste marin Christian SardetL’idée était donc d’utiliser des techniques biomédicales, c’est-à-dire la génétique et l’imagerie automatisée, pour faire une description aussi complète que possible de cet écosystème.» L'équipe s'est rendue dans plus de 200 endroits choisis et guidés par satellite et a pêché jusqu'à 1.000 mètres de profondeur.

 

Christian Sardet a commencé par filmer (des «Chroniques du plancton») avant d'effectuer un travail photographique publié dans des livres en français (Plancton, Aux origines du vivant, octobre 2013) et en anglais (Plankton, Wonders of the drifting world, juin 2015). «En fonction de la taille, j’utilisais un caisson de plongée pour les gros organismes et un microscope pour les plus petits avec le même type de boîtier. Nous avons aussi utilisé des techniques comme des colorants fluorescents pour révéler telle ou telle partie des cellules», raconte le chercheur. Son travail méthodique à l'aide d'un fond noir et d'un éclairage indirect nous permet de découvrir des organismes bien souvent transparents ou invisibles à l'œil nu.

Gros plan sur la pince d'un crustacé amphipode, une phronime. Les cellules pigmentaires rouges permettent à l'animal planctonique de se camoufler | «Le mot plancton vient de “planctos”, en grec ancien, qui veut dire dériver, flotter. Un poisson lorsqu'il est petit n'a pas la force de rentrer et de sortir des courants, c'est donc un plancton. D'autres organismes, comme les méduses, sont planctoniques toute leur vie.»

Le dinoflagellé Pyrocystis lunula, dont les cellules sont contenues dans une même coque. Cette espèce émet une belle lumière bleue quand elle est perturbée | «Le plancton est l’écosystème le plus diversifié de la planète. On y retrouve toutes les branches de l’arbre de vie, sauf les plantes terrestres. C’est aussi l’écosystème le plus ancien de notre planète puisque pendant près de 3 millions d’années il n’y a eu que du plancton les terres n'ont été colonisées qu'il y a 500 ou 600 millions d'années.»

Un ensemble de planctons«Contrairement aux forêts assez statiques, le plancton change à une très grande vitesse parce qu’il représente 98% de la biomasse dans les océans et qu'il est constitué d’organismes unicellulaires (bactéries, cellules avec des noyaux, phytoplanctons, etc.) dont la durée de vie peut aller de quelques jours à quelques semaines. À chaque remontée des grands fonds, par exemple, l’écosystème peut changer rapidement et en une semaine ou deux on peut avoir un nouvel écosystème avec des organismes différents.»

Une larve mégalope, le dernier stade de développement d'un crustacé décapode après plusieurs semaines de vie planctonique «Le plancton a une très grande importance en tant que régulateur des climats puisque le CO2 que nous émettons dans l’atmosphère est pompé par les océans. Pour faire la photosynthèse, le plancton a besoin de CO2: c’est ce qu’on appelle la pompe à carbone. C’est cet enfouissement constant du CO2 dans les océans qui maintient un climat raisonnable dans une certaine zone. Or le CO2 croît dans l'atmosphère et on ne sait pas combien de temps le plancton va être capable de s’adapter. À chaque fois que l'on respire, une bouffée d’oxygène sur deux est due au travail du plancton dans l’océan, qui produit par photosynthèse la moitié de l’oxygène que nous respirons.»

La Firole –appelée aussi «éléphant de mer» en raison de sa trompe– est l'un des plus grands mollusques planctoniques, mesurant entre 10 et 30 cm | «Grâce à cette mission, c'est la première fois que l'on peut décrire l’écosystème (des virus aux bactéries, jusqu’aux méduses) et sa variation d’un endroit à l’autre. Mais nous ignorons encore beaucoup de choses. Nous ne comprenons pas encore la dynamique: on ne sait pas pourquoi l’écosystème change d’une certaine façon, pourquoi certains organismes deviennent majoritaires et d’autres disparaissent.»

Ce céphalopode (caméléon de mer) nouvellement éclos, mesure 4 à 5 mm et possède déjà des dizaines de cellules pigmentaires rouges et jaunes (chromatophores) qui modulent la couleur de sa peau Le magazine Science vient de publier cinq articles qui présentent les premiers résultats de l’expédition. Une base de données a également été mise à disposition de la communauté scientifique.

Les nudibranches doivent leur nom au fait que leurs branchies sont exposées à la surface de leur corps. On les appelle aussi «limaces de mer» car la plupart des nudibranches rampent sur les fonds marins.

Parmi la myriade d'espèce de ciliés, les tintinnides sont ceux que l'on reconnaît le plus facilement en raison de leur carapace protéique, la «loricae» (du nom de l'armure des soldats romains). Ce Rhabdonella spiralis, a été découvert en 1881 par Hermann Fol l'un des fondateurs de la station marine de Villefranche-sur-Mer.

Atlanta peronii est une espèce commune dans la baie de Villefranche-sur-Mer. Il s'agit d'un mollusque hétéropode avec une coquille enroulée, possédant un pied plat qui lui sert de nageoire. Ici, deux Atlanta se cachent à l'intérieur de leurs coquilles en calcaire. On voit leurs yeux de chaque côté.

Les radiolaires sont des unicellulaires, des protistes planctoniques. La plupart des radiolaires sont microscopiques, mais certaines espèces sont visibles à l'œil nu. La capsule centrale d'un radiolaire comprend un ou plusieurs noyaux et une masse de cytoplasme appelée endoplasme.

La pince d'une Phronime, un crustacé amphipode. Lorsque les chromatophores –des cellules pigmentaires du tégument qui réfléchissent la lumière– sont complètement étalés en forme d'étoile, l'animal prend une teinte rougeâtre.

Comme tous les amphipodes hyperiides, cette Phronime a une grosse tête et des yeux surdimensionnés, ainsi que deux pinces impressionnantes. Comme le Bernard l'hermite, la Phronime femelle est une squatteuse qui se construit un refuge en utilisant l'enveloppe de sa proie gélatineuse. Le dessinateur Moebius a été inspiré par la Phronime pour dessiner le monstre d'Alien.

Fanny Arlandis

Fanny Arlandis

Journaliste, elle écrit principalement sur la photographie et le Moyen-Orient pour Le Monde, Télérama et Slate.

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