Vingt-quatre heures au sein d'une mission Vigipirate
France

Vingt-quatre heures au sein d'une mission Vigipirate

Fanny Arlandis -

En février 2015, un mois après l'attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo, Louis Witter a suivi une mission Vigipirate de 3h du matin à 19h. «J'ai décidé de travailler sur ce sujet quand le ministère de la Défense a dit qu’il allait mobiliser 10.500 militaires, dont près de 6.000 en région parisienne, pour assurer la sécurité», raconte le photographe indépendant. Il revient pour Slate sur ses heures parisiennes avec le 13e bataillon de chasseurs alpins.

«Un officier de communication est venu me chercher à 2h30 du matin à l'école militaire, aux Invalides, et m’a amené au fort de Vincennes. C'est ici que dorment les militaires affectés au plan Vigipirate. Quand on est arrivés, seul le commandant était réveillé. Les hommes que j'ai suivis pendant une journée faisaient partie du 13e Bataillon de Chasseurs Alpins de Chambéry, dans les Alpes. Il étaient arrivés une semaine plus tôt. C'était pour certains leur deuxième fois à Paris et le régiment avait déjà effectué sept missions vigipirate.»

«Environ vingt personnes se sont réveillées vers trois heures du matin. Après un passage à la salle de bain, les mecs se retrouvent en bas pour papoter. Il y avait BFM en fond qui montrait des réfugiés en Ukraine avec leurs valises. Une remarque a fusé: “Ah bah tiens, en voilà qui partent en vacances, et avec de la neige en plus!” La neige est un sujet qui est revenu toute la journée. La neige et la montagne leur manquaient.»

«Ils ont aussi une arme de poing, un pistolet pour certains, et tous ont un Famas. Dans leur sac à dos, il y a plus de vingt kilos d’équipement pour tenir entre 24 et 48 heures s'il se passe quelque chose pour qu'ils puissent monter un camp et un gilet pare-balles de 17 kg. De Vincennes, ils ont pris le métro jusqu’à Charles de Gaulle - Etoile. J'étais étonné du fait qu'ils ne vont pas sur les lieux qu'ils protègent en véhicules militaires. Ils y vont en métro, à quinze dans une rame. Les gens les regardent, parfois avec défiance, parfois avec admiration.»

«A la station de métro Charles de Gaulle - Etoile, ils ont une salle qui leur est réservée. Ils passent par une petite porte en fer à l’intérieur de la station. Il y a des lits de camps, des placards, etc. Ils posent leur équipement dans la petite salle et partent avec leur Famas. A la surface, ils sont tous en relation les uns avec les autres. 
 

Les militaires étaient globalement assez méfiants envers les journalistes mais le contact passait de mieux en mieux au fur et à mesure des discussions. Lorsqu'il a neigé sous l'arc de Triomphe, l'un des hommes a dit en riant: “vous pourrez titrer 'les chasseurs alpins amènent la neige à paris'”.»

«Il y a différents roulements de plusieurs groupes tout au long de la journée. Chaque groupe a des missions différentes, dans le but de montrer leur présence à la population, rassurer les gens et être présent en cas d’attaque. En début d'après-midi, le deuxième groupe a entamé une séance de sport au fort de Vincennes avant leur mission.»

«Ceux qui sont en repos font aussi du sport. Un groupe faisait de la musculation, un autre un foot en salle. Chaque équipe qui perdait ou se prenait un but devait faire des pompes.»

«Pendant leur repos, les militaires avaient aussi le droit de sortir, d'aller au cinéma, etc. Mais ils avaient la consigne de ne pas sortir en uniforme.»

«L'après-midi, le deuxième groupe est parti en mission dans des jeeps pour sécuriser les ambassades et les lieux sensibles. Ils ont un plan avec des points rouges pour désigner les zones sensibles à sécuriser. Le trajet comprend des synagogues, des ambassades, des lieux diplomatiques, etc.»

«Ils bougent en permanence et regardent les voitures garées, sous les voitures, à l'intérieur des voitures… Dans les stations de métro ils regardent s'il n'y a pas de sac abandonné, etc. Ils repassent sur les lieux plusieurs fois par jour et sont accompagnés d'un officier de police, c'est lui qui décide s'il y a une interpellation ou autre, si l'opération nécessite des renforts.»

Fanny Arlandis

Fanny Arlandis

Journaliste, elle écrit principalement sur la photographie et le Moyen-Orient pour Le Monde, Télérama et Slate.

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