Gardiens de la faune sauvage
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Gardiens de la faune sauvage

Fanny Arlandis -

En parallèle de ses commandes photographiques, Justin Mott se consacre à un projet personnel autofinancé, et intitulé Kindred Guardians, documentant les personnes du monde entier qui consacrent leur vie à aider les animaux dans le besoin. «Ces gardiens méritent que la lumière soit braquée sur eux, pense le photographe. J'espère que les lecteurs auront envie de changer, d'agir et surtout d'apprendre à respecter la faune et notre environnement avant qu'il ne soit trop tard…»

«J'ai toujours été un amoureux des animaux. J'ai photographié, sous couverture, des histoires déchirantes sur l'industrie de la corne de rhinocéros, il y a des années, pour le magazine TIME. Plus tard, j'ai fait un article sur le commerce des pangolins pour CNN. Ces histoires ont été difficiles sur le plan émotionnel et pendant un certain temps, j'ai agi de manière lâche et j'ai évité ces commandes difficiles.» 

«Curieusement, c'est en suivant sur Twitter le comédien Ricky Gervais que j'ai réfléchi à nouveau au bien-être animal, et j'ai cessé de fuir cette question. C'est un grand défenseur des droits des animaux. Il est tout simplement brillant. Il utilise ses compétences de comédien et son énorme public pour faire honte aux gens qui font du mal aux animaux, et attirer l'attention du monde entier. J'aime et je respecte cet homme, qui constitue une inspiration pour moi. Il m'a donné envie d'utiliser ce que je fais de mieux la photographie pour aider les animaux. Sur cette image, la vétérinaire en chef, Thuy Hoang, 29 ans, met un pangolin blessé sous anesthésie alors qu'elle opère sa queue blessée, au centre de rééducation des pangolins Save Vietnam's Wildlife, à Ninh Bình, au Vietnam.»

«J'ai commencé à imaginer un projet à long terme sur les gens du monde entier qui consacrent leur vie au bien-être animal. Je suis impulsif, alors j'ai commencé à rechercher des histoires, prêt à sauter dans le premier avion dès que je trouverais un récit intrigant. Il se trouve que je suis tombé sur l'histoire fascinante de Fatu et Najin, les deux derniers rhinocéros blancs encore vivants. J'ai été très chanceux de pouvoir faire cette image. J'ai remarqué que Fatu et Najin marchaient l'un à côté de l'autre et j'ai vu leurs ombres. Alors, je me suis précipité pour lancer mon drone et prendre cette photo montrant du haut, les deux derniers rhinocéros blancs du monde.»

«J'ai photographié une corne de rhinocéros coupée lors d'une commande sur le commerce des rhinocéros près de dix ans avant de prendre cette image. Quand j'ai rencontré Fatu et Najin, c’était la première fois que je voyais un rhinocéros vivant en vrai, c'était une expérience extrêmement émouvante.»

«Pour mes recherches, j’ai beaucoup utilisé Instagram. Mon Instagram personnel, après le lancement de Kindred Guardians, m'a ensuite permis d'entrer en contact avec des personnes du monde entier impliquées dans la préservation de la faune et le bien-être animal. Je m'inspire en parcourant mon fil et je reçois tout le temps des messages privés avec des idées d'histoires. J'adore jouer avec la lumière et les ombres magnifiques, j'ai pris cette image aux premières heures du jour. On y voit l'ombre du gardien des éléphants, Julius, projetée sur un éléphant orphelin.»

«J'ai passé une semaine avec les gens de la Soi Dog Foundation à Phuket, en Thaïlande, pour documenter leur travail avec les chiens des rues. Vers la fin du voyage, j'ai pris cette image d'un chiot abandonné, trouvé dans les rues de Phuket, apporté à la fondation par un couple allemand en vacances.»

«Je recherche avant tout des sujets sur des individus qui s'occupent des animaux de manière éthique et durable. Je ne suis pas un photographe animalier traditionnel avec son téléobjectif, je suis un photographe documentaire. J'ai donc besoin de moments intimes entre mes sujets et les animaux. Cela les oblige à se rapprocher des animaux, et moi, de les approcher. Je ne veux pas donner aux gens une mauvaise impression sur nos interactions avec la faune. Ces vétérinaires, ces équipes de secours, ces centres de réadaptation sont l'exception, ils ne se rapprochent d'eux que lorsqu'il n'y a pas d'autre moyen. Cette image a été prise dans l'orphelinat d'éléphants Sheldrick Wildlife Trust. Ils n'ouvrent que tard le matin mais, connaissant la couchette des gardiens avec les éléphants orphelins, j'ai demandé la permission de venir avant le lever du soleil pour saisir quelques instants de leur réveil.»

«Ces gardiens font un travail sans fin et désintéressé. Certains risquent leur vie pour protéger ces animaux, comme les rangers qui protègent les rhinocéros, d'autres y consacrent leur vie. Pour reprendre les mots de Bam, l'un de mes sujets pour le projet travaillant sur la réhabilitation du gibbon, ils “donnent la parole aux sans-voix”. Tant que les humains resteront aussi destructeurs que nous le sommes actuellement, leur travail ne s'arrêtera pas. J'ai pris ce portrait de Peter Esegon, l'un des principaux gardiens de Fatu et Najin, les deux derniers rhinocéros blancs du Nord, près de la zone où dorment ces animaux. Il y avait un arbre épineux qui ressemblait à des barbelés. J'ai senti que cela en disait long sur la situation désastreuse de ces bêtes.»

«Le financement est un défi. Je voulais démarrer le projet en finançant tout moi-même, afin de pouvoir donner à chaque chapitre le temps qu'il mérite, mais aussi pour que je puisse trouver et donner le ton de mon travail et ma narration à l'ensemble du projet sans influence extérieure. Si je présentais ces sujets à l'avance aux médias et que je comptais sur eux pour le financement, je serais limité à quelques jours en fonction du budget et des histoires qu'ils jugent dignes d'intérêt. Couvrir des histoires qui ont déjà été faites ne me pose pas de souci parce que je vais les raconter à ma façon, avec le projet d'en faire un livre. Monique Pool (à gauche) sauve et déplace les paresseux dans tout le Suriname et a été nommée “Héros de CNN” pour son travail de préservation des paresseux. Sur cette photo, elle travaille avec un vétérinaire pour soigner un paresseux avec un bras cassé.»

«Pour le rhinocéros blanc du Nord, je suis sûr que j'aurais eu quatre à cinq jours de commande pour un magazine. En finançant ce travail moi-même, j'ai pu y passer près de deux semaines, et j'ai pu saisir des moments plus intimes. Ou bien, je n'aurais jamais pu couvrir cette histoire et la mettre en lumière car elle a déjà été racontée par d'autres médias. J'ai pris cette image alors qu'un groupe de rangers armés s'était arrêté pour parler aux gardiens de Fatu et Najin, les deux derniers rhinocéros blancs du Nord, alors qu'ils patrouillaient sur le terrain d'Ol Pejeta Conservancy. Si je devais résumer toute cette histoire en une seule image, ce serait celle-ci, l'arme est tellement révélatrice de la menace sérieuse que représentent les braconniers, non seulement pour la vie des rhinocéros, mais aussi pour les rangers.»

Fanny Arlandis

Fanny Arlandis

Journaliste, elle écrit principalement sur la photographie et le Moyen-Orient pour Le Monde, Télérama et Slate.

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