L'ombre de Tchernobyl
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L'ombre de Tchernobyl

Fanny Arlandis -

Au cours des vingt dernières années, Gerd Ludwig s'est rendu neuf fois à Tchernobyl pour documenter l'impact de la catastrophe nucléaire: «Après avoir vu l'ampleur de la destruction à l'intérieur du réacteur et la portée des conséquences sur la santé des habitants, pas seulement en Ukraine mais aussi en Biélorussie voisine, je sentais que je devais travailler sur Tchernobyl de façon régulière

Lors de ses reportages au sein de la zone d'exclusion, le photographe de National Geographic parcourt les bâtiments abandonnés dans la précipitation en 1986. Il se rend chez ces personnes âgées qui, malgré le niveau de radiation, ont décidé de rentrer chez eux après l'accident. Il rencontre aussi ceux qui en subissent encore les conséquences et qui souffrent de maladies ou de handicaps physiques ou mentaux.

La campagne Kickstarter pour financer la publication de son livre L'ombre de Tchernobyl (trilingue français, allemand et anglais) se termine le 20 avril.

Centrale nucléaire de Tchernobyl, Ukraine 2011 | Le 26 avril 1986, les opérateurs de la salle de contrôle du réacteur n°4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl ont commis une série d'erreurs fatales pendant un test de sûreté. L'effondrement du récteur provoquera ensuite le plus grand accident nucléaire mondial à ce jour. 

Opachichi, Ukraine 1993 | Quand les autorités soviétiques ont finalement ordonné l'évacuation, de nombreux habitants ont laissé dans la précipitation du départ leurs affaires les plus personnelles.

Centrale nucléaire de Tchernobyl, Ukraine 2005 | Des travailleurs s'apprêtent à percer des trous pour mettre des tiges de soutien au sein du sarcophage de béton, construit à la hâte après l'explosion pour isoler les décombres radioactifs du réacteur n°4. Ils tentent de garder en état l'enceinte qui se déteriore jusqu'à ce qu'une structure de remplacement puisse être construite. La radiation à l'intérieur est si élevée qu'ils ne sont autorisés à y travailler que 15 minutes par jour. 

Illintsy, Ukraine 1993 | Des villageois se rassemblent à l'arrière d'un camion pour obtenir de la nourriture et d'autres produits. Malgré le niveau de radiations, plusieurs centaines de personnes âgées sont retournées dans la zone d'exclusion. En 1993, les responsables ukrainiens ont tenté de les décourager en maintenant les prix artificiellement élevés dans la zone d'exclusion. 

Teremtsy, Ukraine 2005 | Kharytina Desha, 92 ans, est une de ceux qui sont retournés dans leurs maisons au village, à l'intérieur des zones d'exclusion. Seule, dans un environnement dévasté, elle préfère néanmoins mourir sur son sol natal.

Prypyat, Ukraine 2011 | Des chaises, des jouets et des masques à gaz jonchent le sol d'une classe de maternelle abandonnée. «Ces bâtiments demeurent les témoins du départ précipité de leurs anciens habitants, les visiteurs semblent éprouver le besoin de simplifier le message. Les poupées, comme celle-là par exemple, soigneusement disposée à côté d'un masque à gaz, sont devenues un motif récurrent», explique Gerd Ludwig.  

Prypyat, Ukraine 2005 | Les écoles et les jardins d'enfants à Prypyat (auparavant une des plus grandes villes de la zone d'exclusion avec 50.000 habitants) demeurent un testament silencieux du départ soudain et tragique. A cause de la pourriture, une partie du bâtiment s'est effondrée.

Prypyat, Ukraine, 2005 | Des arbres poussent dans une école abandonnée. Aujourd'hui, la nature démantèle lentement la ville et s'impose dans les maisons et les bâtiments inoccupés.

Minsk, Biélorussie 2005 | Souffrants d'un cancer de la thyroïde, Oleg Shapiro, 54 ans et Dima Bogdanovich, 13 ans, recoivent des soins dans un hopital spécialisé à Minsk, en Biélorussie. Oleg a aidé au nettoyage après l'accident et a donc été exposé à un niveau extrême de radiations. Lors de la prise de cette photographie, il vient de subir sa troisième opération de la thyroïde. La mère de Dima affirme que les retombées nucléaires de Tchernobyl sont responsables du cancer de son fils, mais il est souvent demandé aux responsables biélorusses de minimiser la sévérité de la radiation. 

Hôpital du sud de la Biélorussie, 2005 | Sévèrement handicapé physique et mental, Igor a été abandonné par ses parents. Il vit maintenant dans un hôpital psychiatrique pour enfants qui s'occupe des orphelins et des enfants abandonnés atteints de handicaps. «Il a attiré mon attention parce qu'il était la plupart du temps assis immobile, appuyé contre le mur. Avec une faible vue et une mauvaise ouïe, il ne pouvait pas entrer en interaction avec les autres enfants autour de lui. De temps à autre, ses yeux vides regardaient les autres enfants de la chambre. Quand ils ont tenté de le prendre dans leurs bras, il s'est mis à pleurer.» 

Prypyat, Ukraine 2005 | Lors d'une des rares visites de Prypyat, sa ville natale, Ludmila, 49 ans, est submergée par les souvenirs. En silence, elle s'arrête sur le bord du lit dans une petite pièce qui lui servait de lieu de repos entre ses différents services lorsqu'elle travaillait à l'hôtel Polissya. 

Lubyanka, Ukraine 2011 | A seulement 54 ans, Vladimir, un rapatrié de la zone d'exclusion, a la peau considérablement vieillie. Les médecins considèrent que l'exposition aux radiations en est responsable. Depuis la mort de sa femme en 2006, il vit seul dans la zone d'exclusion. 

Victor Gaydak, banlieue de Kiev, Ukraine 2011 | Gerd Ludiwg se trouve en Ukraine en 2011, au moment même où se produit l'accident de Fukushima au Japon. Au cours de ce voyage, il rencontre des liquidateurs: les civils et les militaires qui sont intervenus sur les lieux de la catastrophe au lendemain de l'accident et qui aujourd'hui souffrent de maladies. Victor Gaydak, 70 ans, est l'un d'entre eux. Sur cette image, il regarde le journal télévisé qui parle de la catastrophe japonaise. Commandant dans l'armée, il était en exercice quand l'explosion de Tchernobyl a eu lieu. Après l'accident, il a eu deux attaques cardiaques et a développé un important cancer de l'estomac. Il vit maintenant avec sa famille dans la banlieue de Kiev en Ukraine, où plus d'un tiers de la population a été déplacée après 1986.

Centrale nucléaire de Tchernobyl, Ukraine, 2013 | «Lorsque j'ai pénêtré pour la première fois dans le réacteur n°4 en 2005, le niveau de radiation était relativement bas. Avec des vêtements de protection, je pouvais rester près de 45 minutes. Lors de ma dernière viste à l'automne 2013, je disposais de seulement quelques secondes pour faire des photographies. Je devais sortir de la salle pour recharger mon flash et réduire mon exposition aux radiations au maximum.» Lors de son dernier voyage, il documente la construction d'un dôme high-tech pour tenter de protéger l'environnement et de procéder à une décontamination. 

Fanny Arlandis

Fanny Arlandis

Journaliste, elle écrit principalement sur la photographie et le Moyen-Orient pour Le Monde, Télérama et Slate.

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