New York, années 1980, souvenirs d’une époque disparue
Culture

New York, années 1980, souvenirs d’une époque disparue

David Rosenberg — Traduit par Bruno Cravo -

Regarder les photographies de New York prises par Robert Herman dans les années 1980, c’est un petit peu comme regarder un film. Une fois transportés vers une époque de New York de plus en plus aimée et mythifiée à mesure qu’on s’en éloigne, le travail d’Herman possède une qualité cinématographique qu’il est difficile de louper. 

 

Il est donc très peu surprenant d’apprendre qu’il a passé une bonne partie de son enfance assis dans l’un des cinémas que possédaient ses parents. Il était fréquent qu’il visionne dix ou vingt fois le même film. «À partir d’un moment, vous ne regardez plus le film que pour les images et non pour le scénario, que vous connaissez déjà», affirme Herman. «J’adore la façon dont laquelle les directeurs de la photo du début des années 1970 capturaient le soleil et la façon dont ils composaient leurs plans, et je pense que cela m’a imprégné.»

 

Herman est arrivé à New York pour étudier le cinéma à l’université. Il a travaillé sur ses propres films et sur ceux d’autres étudiants avant de décrocher un emploi de photographe de plateau où il était forcé d’attendre de longues heures pour que la météo ou la lumière changent. Pendant ses pauses, il se baladait dans le voisinage des studios en prenant ses propres photos. «C’est à ce moment-là que j’ai commencé à sérieusement prendre des photos dans la rue», confie-t-il. «J’ai vraiment aimé faire des photos pour le cinéma mais je ne suis pas fait pour rester assis et m’ennuyer… même si les photos pour le cinéma rapportaient plus d’argent.»

Midtown Triangle, New York, 1981 | Robert Herman

 

Herman a pris des photos principalement où il vivait ou travaillait, à la recherche des clichés les plus authentiques possible. «Avec le temps, j’ai commencé à devenir photographe, psychologiquement c’était très agréable pour moi d’avoir, chaque jour, quelque chose de créatif dans ma vie. La photographie est quelque chose que vous pouvez contrôler: vous pouvez en faire quand vous voulez, travailler dessus quand vous voulez et vous n’êtes pas toujours en train d’attendre un groupe de personnes pour qu’elles vous disent OK.» Les clichés ont été pris sur une pellicule Kodachrome, ce qui leur donne un aspect riche et reconnaissable. Et quand finalement, les Kodachromes ont disparu, c’est au même moment que les quartiers bien aimés du New York d’Herman ont commencé à se gentrifier et devenir méconnaissables.

À gauche: Synchronicity, New York, 1983. À droite: Oh, New York, New York, 1980 | Robert Herman

 

Vers 2007, Herman a commencé à revisiter les quelque 25.000 clichés qu’il avait accumulés au cours de ses balades dans New York. Une édition de ces photos est devenue The New Yorkers, publié en 2013 par Proof Positive Press, qui contient le travail capturé sur Kodachrome de 1978 à 2005.

 

Herman dit qu’il a pris du plaisir à éditer le livre, pas seulement parce qu’il allait retrouver à nouveau des clichés dont il ne se souvenait plus mais aussi parce qu’il croit que ces livres sont le meilleur moyen d’apprécier le travail d’un photographe pour le grand public. «Selon moi, le véritable test pour un livre, c’est quelqu’un que vous ne connaissez pas, à qui vous n’avez jamais parlé, qui voit le livre quelque part et a envie de l’acheter, estime-t-il. Ça parle pour lui

 

 

It’s a Whole New World, Long Island,1985 | Robert Herman

 

Herman explique que l’un de ses seuls regrets est qu’il aurait voulu prendre encore plus d’images, mais les pellicules étaient chères et il devait enchaîner les petits boulots pour survivre. Ces derniers temps, il dit qu’il adore passer du temps à Naples, en Italie, car la ville lui rappelle le New York qu’il a aimé. «Honnêtement, je n’aurais pas fait le livre si je ne pensais pas que les images étaient fortes et qu’elles n’évoquaient pas que la nostalgie», avoue-t-il. «Cela devait être la combinaison des deux. La chose qui m’interpellait dans le New York des années 1980, c’est que les gens vivaient plus dans les rues qu’ils ne le font aujourd’hui, et qu'il y avait plus de diversité ethnique. Il y avait beaucoup de personnes différentes, beaucoup d’artistes, et les graffitis sur les murs étaient superbes, j’adorais juxtaposer un graffiti avec quelque chose au premier plan.»

St. George, Staten Island, 1983 | Robert Herman

 

«Je ne sais pas pourquoi les gens veulent se rendre à New York à présent… Mon livre est vraiment sur les quartiers, sur toutes ces petites choses qui faisaient de New York une ville intéressante pour vivre… À chaque fois qu’ils détruisent l’un de ces endroits, la ville que j’aime s’en va, et vous ne pouvez pas la remplacer. Chaque jour, un nouvel endroit ferme

Playing Pinball at Footlight Records, New York, 1980 | Robert Herman

The Clash, New York, 1981 | Robert Herman

David Rosenberg
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