En Inde, le Kushti, un rituel de haute lutte
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En Inde, le Kushti, un rituel de haute lutte

Fanny Arlandis -

En 2014, le photographe Alain Schroeder a découvert le Kushti, la lutte indienne traditionnelle. «Plus qu'un sport, cette forme de lutte est un mode de vie qui nécessite de s'y consacrer corps et âmes pendant de longs mois», raconte-t-il. Pendant plusieurs semaines, il s'est rendu dans différents gymnases pour assister aux entraînements. Ses photographies seront exposées dans le cadre du festival Sportfolio, organisé à Narbonne du 27 mai au 19 juin. 

Inde, État du Maharashtra, Kolhapur. | Alain Schroeder

 

«L’entraînement se pratique dans l’Akhara, une fosse remplie de terre de couleurs différentes selon les régions (jaune ou grise à Varanasi et rouge à Kolhapur). Vêtus seulement d'un pagne bien ajusté (le langot), les lutteurs ou pelwhans s’entraînent dans une fosse remplie d’argile souvent mélangée avec du sel, du citron et du ghee (beurre clarifié).»

Inde, État d’Uttar Pradesh, Varanasi. | Alain Schroeder

 

«Les lutteurs se lèvent à 5 heures du matin chaque jour pour participer à deux séances quotidiennes d’entraînements. Quand vous les voyez vous avez l’impression d’être au Moyen Âge mais ce sont des garçons modernes avec un téléphone portable, une mobylette, ils ne sont pas reclus du tout.»

Inde, État du Maharashtra, Kolhapur. | Alain Schroeder

 

«Avant les entraînements, certains lutteurs aplatissent la terre dans la fosse. Pour corser le travail un lutteur se tient accroupi sur la planche de bois qui sert de rouleau compresseur.»

Inde, État d’Uttar Pradesh, Varanasi. | Alain Schroeder

 

«Les lutteurs se recouvrent de terre pour se purifier, tonifier leurs organismes et apaiser les douleurs musculaires. L'entraînement commence avec quarante-cinq minutes de pompes et des exercices au sol avant d'aller à la salle de musculation puis de prendre une pause. Ils dorment vers 11 heures ou 12 heures, jusque 16 heures puis l'entraînement de l'après-midi commence. Les entraînements sont similaires chaque jour, sauf un jour par semaine où ils s’enduisent de terre et se massent les uns et les autres.»

Inde, État du Maharashtra, Kolhapur. | Alain Schroeder

 

«Les lutteurs de tous les âges se retrouvent sans implication de caste. Les fils de famille aisée, les paysans, les commerçants sont tous sur un pied d’égalité. Dans certaines régions cependant la lutte est très prestigieuse. À Kolhapur, par exemple, les gens que j'ai rencontrés étaient souvent de bonne famille, propriétaires terriens ou fermiers et ils envoyaient leurs enfants pendant plusieurs mois au gymnase.»

Inde, État du Maharashtra, Kolhapur. | Alain Schroeder

 

«La règle pour gagner est simple. Les deux épaules doivent toucher le sol. Il est strictement interdit d'étrangler ou de donner des coups de poing.»

Inde, État du Maharashtra, Kolhapur. | Alain Schroeder

 

«Chaque lutteur répand de la terre sur le corps de son adversaire pour avoir une meilleure prise. Il n’y a pas d’agressivité déplacée, chacun est respectueux de l’autre. La force physique n'est pas ici une fin en soi mais un moyen pour parvenir au contrôle des muscles et de l'âme.»

Inde, État du Maharashtra, Kolhapur. | Alain Schroeder

 

«À la fin d'une séance d'entraînement, les lutteurs s’appuient contre les murs de l'arène et couvrent leurs têtes et leurs corps avec de la terre pour absorber toute la transpiration. Ils se massent ensuite les uns les autres pour soulager leurs muscles fatigués et faire preuve de respect mutuel.»

Inde, État d’Uttar Pradesh, Varanasi. | Alain Schroeder

 

«Après l’entraînement, le gourou (couché à droite sur l’image) se fait masser par les autres lutteurs. Ces massages, qui nécessitent un contact étroit entre les hommes, créent une atmosphère d'unité sociale.»

Inde, État du Maharashtra, Kolhapur. Alain Schroeder |

«Les rituels religieux sont aussi importants que la lutte elle-même. À l'intérieur et autour de l'arène, la statue du dieu-singe Hanuman est l'objet de litanies et de prières quotidiennes. La spiritualité passe aussi par leur façon de vivre: la nourriture est limitée par choix et non par nécessité. Il s'agit d'un régime constitué d’amandes mélangées à du lait ("badam milk"), de beurre clarifié, d’œufs et de chapatis (pain indien sous forme de galettes plates).»

Inde, État du Maharashtra, Kolhapur. Alain Schroeder |

«Établi il y a des dix siècles en Perse et en vogue en Inde à l'époque moghole au XVIe siècle, le Kushti perd peu à peu du terrain au profit d’autres sports. Malgré tout, le gouvernement met à disposition un bâtiment et paie l’électricité et réserve ensuite des postes de fonctionnaires à certains lutteurs. Le salaire de l’entraîneur et la nourriture sont à charge des lutteurs et revient à 10.000 roupies par mois (environ 140 euros/mois ou 4-5 euros par jour).»

Fanny Arlandis

Fanny Arlandis

Journaliste, elle écrit principalement sur la photographie et le Moyen-Orient pour Le Monde, Télérama et Slate.

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