L'esthétique des laveries automatiques londoniennes
Société / Culture

L'esthétique des laveries automatiques londoniennes

Fanny Arlandis -

Joshua Blackburn adore les laveries automatiques. De là lui est venue l'idée du projet Coinop_London: dresser le portrait de Londres à travers ses laveries. «J'aime l'idée de se concentrer sur une petite tranche de la vie urbaine pour voir ce qu'elle révèle de ses habitants, de ses communautés et de ses cultures, explique-t-il. Je m'intéresse aussi à la façon dont quelque chose d'aussi apparemment banal et quotidien peut être une source inépuisable d'inspiration créative.»

 

«J'ai réfléchi à l'attrait des laveries pendant un moment. Chaque fois que je passais devant l’une d’elles, je me retrouvais à la regarder fixement, la considérant comme un petit microcosme de la vie londonienne. J'ai commencé à les photographier au printemps. Maintenant, chaque fois que je rends visite à un ami ou que j'assiste à une réunion, je cherche une laverie à proximité et j'y vais avec mon sac photo. La laverie Barbican est souvent mentionnée comme l'une des plus frappantes de Londres. C'est une merveilleuse capsule temporelle des années 1970 à Londres et elle est très appréciée par ceux qui habitent le Barbican Estate et ses environs. Mais même ici, les temps deviennent plus durs. Les habitants sont fiers de la laverie Barbican, mais les gens l'utilisent de moins en moins.»

«J'adore les laveries. J'aime l'odeur de la lessive, le son des séchoirs et les jeux de mots des enseignes. Mais je suis aussi fasciné par le fait que les laveries constituent une anomalie. Alors que le paysage des commerces devient de plus en plus homogène, les laveries sont uniques, chacune ayant sa propre personnalité et son histoire. C'est ce que j’ai voulu creuser. Mais surtout, je veux glorifier les lavomatiques de Londres. La marée est contre eux et beaucoup doivent fermer, mais la rue est plus pauvre sans eux. Je veux montrer que les laveries sont spéciales et devraient être appréciées à leur juste valeur. Cette laverie est celle de mon quartier et la première que j’ai photographiée. Je cherchais à voir si la laverie de mon imagination se traduisait par une photographie percutante. J'ai eu en fait la chance de commencer par celle-ci, parce qu’elle est très photogénique: pleine de couleurs audacieuses et de symétries.»

«Je n’ai pas réellement choisi les laveries… L'ambition de Coinop_London est de visiter toutes les laveries du Grand Londres. Il y en a environ 400, donc ça va prendre du temps. Mais chacune a sa personnalité et son caractère, de sorte que le sujet est très riche et extrêmement intéressant. Si quelqu'un doute de la beauté des laveries, venez à Sudbury Hill. C’est la dernière que j’ai photographiée et j'en suis tombé instantanément amoureux. Il y a quelque chose dans la combinaison de la couleur, de la géométrie et de la symétrie qui peut être irrésistible.»

«J'ai déjà photographié une cinquantaine de laveries et j’ai le projet d’en photographier cinq par semaine. Le travail deviendra plus difficile quand je commencerai à me diriger vers les arrondissements de Londres qui sont plus éloignés. Je ne me rends pas souvent à Havering ou Hillingdon, mais je vais devoir commencer à y passer plus de temps! Je ne suis pas censé avoir de favorite, mais la laverie Goldborne Road est parmi les plus belles que j'ai découvertes. Elle est remplie de plantes et d'objets aléatoires et c'est évidemment le fruit d’un travail d'amour de la part de ses propriétaires. Qu'ils parlent avec les habitués qui y vont est clairement apprécié de leurs clients. C’est certainement une laverie incontournable!»

«Les lavomatiques sont comme de l'herbe à chat pour les photographes. On ne peut résister aux couleurs, aux signes, aux machines, aux surfaces et à leur géométrie. Les propriétaires de ces laveries me regardent comme si j'étais fou quand je leur dis que je voudrais photographier leurs locaux. Mais ils sont extraordinairement photogéniques. Et quand on tombe sur une très belle laverie, ça vous impressionne! J'ai passé près d'une heure à la laverie Lavendar. C'est une autre capsule de temps des années 1970 avec l'une des personnes les plus amicales que j'ai rencontrées jusqu'ici. La laverie elle-même était pleine de caractère et de couleur et il était impossible d’y résister.»

«Sans aucun doute, Silverdale est mon enseigne de laverie préférée. On dirait qu'elle pourrait être transformée en discothèque à tout moment. À l'intérieur, la scène est un peu plus chaotique –même si, à en juger par les montagnes de lessive en sachet qui attendent d'être utilisées, les affaires sont en plein essor. Mais les laveries sont sur la liste des espèces en voie de disparition. Il y en a moins de 3.000 en Grande-Bretagne, contre 12.500 il y a trente ans. Cependant, il n'est pas tout à fait juste de blâmer la gentrification pour ce déclin. Aujourd'hui, près de 97% des ménages possèdent leur propre machine à laver, contre 65% en 1970. Il y aura toujours un besoin de laveries, mais le marché se réduit tout simplement.»

«Quand je suis tombé sur cette laverie, je l’ai trouvé trop parfaite pour la décrire avec des mots. Littéralement. Elle est devenue en quelque sorte un repère local et je peux supposer que ses propriétaires ont décidé de laisser l'enseigne délibérément non corrigée. En l'occurrence, la laverie en elle-même est un super petit endroit! J’ai le projet de créer un livre et une exposition avec la série Coinop_London. J’ai d’abord pensé que ma passion pour les laveries pouvait être une particularité bien à moi, mais les réactions à ce travail ont été merveilleusement positives. La combinaison de l'esthétique, de la nostalgie et de la chaleur humaine est quelque chose qui résonne pour les gens et je suis impatient de voir jusqu'où le travail peut aller.»

«Je suis toujours à la recherche de touches d'individualité et de caractère qui font la différence entre les diverses laveries automatiques. Ici, les chevaux sauvages se sont immédiatement démarqués. Le propriétaire était très heureux de me voir prendre des photos, mais sa femme, qui était occupée à la machine à coudre, était profondément méfiante. Elle était convaincue que je travaillais pour le gouvernement et avait une arrière-pensée soupçonneuse. Je n’ai jamais réussi à la convaincre du contraire.»

«Les laveries automatiques sont fascinantes non seulement en tant qu'entreprises mais aussi parce qu’elles reflètent les communautés qu'elles servent. Elles en font partie, comme les pubs et les bureaux de poste. Mais l'espace social qu'elles créent est unique. J'adore cette photo, c'est celle de deux hommes discutant dans une laverie de Cricklewood. Ils parlent de choses de la vie, comme ça leur arrive régulièrement. Il n'y a pas beaucoup d'endroits qui réunissent des inconnus de la même façon, mais les laveries automatiques le font.»

Fanny Arlandis

Fanny Arlandis

Journaliste, elle écrit principalement sur la photographie et le Moyen-Orient pour Le Monde, Télérama et Slate.

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