Entre 2004 et 2016, Emily Shur s'est rendue plus de quinze fois au Japon. «J'ai fait un effort conscient pour concentrer ma photographie uniquement sur l'expression de mon point de vue individuel, raconte la photographe. Je ne pense pas que mon travail dise grand chose de la société japonaise au-delà de mes propres expériences personnelles. Je voulais que ce travail soit intime et personnel et ne ressemble aucunement à un carnet de voyage.» Son livre, Super Extra Natural!, a été publié chez Kehrer Verlag.
Tojinbo - Sakai 2011 | Emily Shur
«Je suis allée pour la première fois au Japon en 2004 avec mes parents. Mon père était invité à intervenir lors d'une conférence dans une région assez reculée du pays. Ma mère et moi l'avons accompagné. Nous avons passé la moitié de notre temps dans cette zone rurale tranquille et l'autre moitié à Tokyo. Je suis tombée amoureuse de ce pays immédiatement. Je suis retournée au moins une ou deux fois par an chaque année depuis ce voyage.»
Meiji Memorial Hall - Tokyo 2012 | Emily Shur
«Je n'avais aucune attente et j’ai fait très peu de recherches avant mon premier voyage. Tout était assez nouveau et si différent de partout où j'avais voyagé auparavant. Je n'avais pas imaginé que j’allais avoir tant d’attirance pour ce pays, ni que mon premier voyage serait le début d'une relation à long terme avec un endroit spécifique.»
Orange Ladder - Tokyo 2014 | Emily Shur
«Il était fascinant de voyager quelque part si loin qui pourtant ressemblait tellement à la maison. Au début mon attirance pour le Japon portait surtout sur le superficiel. J'ai aimé l'esthétique des villes et des zones rurales et j'ai bien sûr été amusée par les observations typiques des étrangers et par les clichés touristiques sur la culture japonaise. Comme je passais toujours plus de temps là-bas, j'ai pu faire l'expérience de ce que le pays avait à offrir à un niveau plus profond. Et encore aujourd’hui, j'ai l'impression d'apprendre de nouvelles choses à chaque fois que j’y retourne. Je n’ai jamais été une photographe qui aime faire des projets très orientés donc à aucun moment je me suis dit là-bas que j’allais faire quelque chose de ce travail. Ce fut un processus plus long, étalé sur de nombreuses années, qui m'a amené à réaliser que, en termes très simples, j'étais très heureuse lorsque je prenais des photos pour moi-même au Japon.»
Ferry Ride - Seto Inland Sea 2013 | Emily Shur
«Mon travail en tant que photographe peut parfois être stressant… il y a de bonnes années, de mauvaises années, des heures chargées et des semaines qui s’écoulent lentement. Même si je suis aujourd’hui habituée, ça ne devient jamais vraiment facile. Les photos que je prends au Japon ne sont pas les images que je prends pour gagner ma vie, alors j'ai pu séparer les processus de la façon dont je photographie ici et la façon dont je photographie pour le travail. Mes voyages au Japon m'ont permis de renouer avec la photographie qui touche tant d'aspects de ma vie personnelle et professionnelle. Il y a plusieurs années, j'ai commencé une liste de zones et de sites que je voulais visiter. J'ajoute des éléments à cette liste et je la mets à jour tout le temps. Je fais beaucoup de recherches en ligne, via Instagram, le bouche à oreille, etc. Lorsque je planifie un voyage, je me réserve généralement un peu de temps pour aller à Tokyo et ensuite essayer d'aller quelque part de différent à chaque fois. Mon mari aime aussi le Japon, et il est toujours prêt à voyager avec moi dans les endroits éloignés et aléatoires.»
8 Hotel Pool - Osaka-fu 2014 | Emily Shur
«Nous avons pris l'avion de Los Angeles pour Tokyo puis Osaka avant de prendre un taxi et d’échouer dans un hôtel. Quand nous sommes arrivés, il faisait sombre, donc ce n’est que le lendemain matin que j’ai pu me promener et voir l'hôtel et les jardins pour la première fois. Tout semblait avoir été agréable à un moment donné, mais ce temps était passé. Rien n'était maintenu, mais en même temps il y avait toujours une forme d’élégance dans les lignes et l'esthétique globale de l'espace. Je me souviens d'avoir aimé et en même temps d'avoir été repoussée par la couleur de l'eau de la piscine. J'ai aimé le vert profond de l'eau en combinaison avec le vert des arbres et les lignes parallèles. Même dans le désarroi, il y a toujours un niveau d'harmonie visuelle que j'apprécie vraiment.»
Osaka Station - Osaka 2015 | Emily Shur
«J'aime me promener quand j'arrive quelque part après un long voyage. Nous étions dans un hôtel juste à côté de la gare d'Osaka, et je me suis promenée juste après notre arrivée car je savais que le soleil se coucherait bientôt. J'ai marché jusqu'à la gare et j'ai remarqué cet homme faire des signes au bus le long d’un côté calme de la gare. Son langage corporel correspondait si bien à toutes les lignes graphiques autour, et son uniforme bleu ressortait sur les tons chauds autour de lui. J’ai attendu tranquillement au sommet de l'escalier en le regardant pendant quelques minutes et j'ai choisi mon moment.»
Playground - Atami 2013 | Emily Shur
«Après avoir vu certaines de mes photos, quelqu'un m'a recommandé de faire une excursion d'une journée à Atami. J'étais seule à Tokyo et je n'avais aucun plan. J'ai donc pris un train et j'ai passé la journée à flâner autour d'Atami pendant la saison de floraison des cerisiers. J'ai pris quelques photos ce jour-là qui ont été publiées dans le livre, mais celle-ci est l'une de mes préférées (et constitue la couverture du livre). C'est l'une des rares fois où j'ai pris une photo et où je suis repartie pour la reprendre parce que la lumière avait changé et que je savais qu’elle serait mieux que la première.»
White Van - Miyajima 2012 | Emily Shur
«Je ne pense pas que mon travail dise grand chose de la société japonaise au-delà de mes propres expériences personnelles. Il y a certainement des aspects de la société et de la culture japonaises qui m’attirent en photographie, comme leur respect et leur révérence pour la nature, et ces éléments sont présents dans de nombreuses images du livre. Cependant, j'ai fait un effort conscient pour concentrer ma photographie uniquement sur l'expression de mon point de vue individuel. Je voulais que ce travail soit intime et personnel et ne ressemble aucunement à un carnet de voyage. Après chaque voyage, je regardais mes images et je faisais une première sélection qui me parlait pour une raison ou pour une autre. Je scanne ces images afin de mieux voir les détails et jouer avec leur potentiel. A partir de là, j’en recadre quelques-unes et je travaille les couleurs. Je ne photographie pas des masses, quand je reviens de voyage si j’ai environ dix images que j'aime vraiment, je considère le voyage comme réussi.»
Sweet Dog - Kanazawa 2011 | Emily Shur
«Je suis une amoureuse des animaux et je me sens parfois plus proche d'eux que des gens. J’ai pris cette photo en février 2011, lors d’un voyage avec ma mère. Il faisait très froid dehors. Ce chien était allongé dans une tâche de soleil qui donnait sur sa tête. Je me suis arrêtée pour prendre une photo rapide et cela ne l'a pas du tout dérangé. Quand je regarde cette image, je me rappelle l'une des nombreuses choses que j'aime tant à propos des animaux: nous devrions, comme eux, apprécier les plaisirs simples dans notre vie quotidienne.»
Smoker - Shimokitazawa 2014 | Emily Shur
«J'aime aussi éditer et séquencer des images. J'adore le faire avec mes photos et avec les photos des autres! Je pense qu'un bon éditing peut vraiment avoir un effet sur la perception de celui qui regarde un travail. Pour ce livre, j'ai décidé de limiter le nombre de personnes à qui je montrerais le processus d'édition. Je ne voulais pas trop d'opinions différentes alors j'ai principalement demandé l'aide de mon mari Isac, qui était avec moi quand j'ai pris la majorité des images du livre et qui est très familier de mon travail (évidemment), et Michael Schmelling, qui est un vieil ami et a également conçu le livre. Les principales difficultés de ce travail ont été de me sentir libre de photographier. Lors de certains voyages j'ai été mécontente de toutes les images parce que je m'ennuyais avec mes propres yeux. Je n'essayais rien de nouveau ou d'inattendu. Il y a eu beaucoup de fois où j'ai dû me rappeler qu’il fallait que je m'amuse, ce qui peut sembler bizarre. Cependant, ce n'est pas toujours l'exercice le plus facile. Prendre des photos pour le plaisir est quelque chose que chaque photographe devrait prioriser et entretenir.»
Journaliste, elle écrit principalement sur la photographie et le Moyen-Orient pour Le Monde, Télérama et Slate.