L'Irak s'embrase après une recrudescence des violences dans le sud du pays. Face à l'absence de réformes, le mouvement de contestation entamé le 1er octobre s'est durci, notamment dans la ville de Nadjaf qui a été mise à feu et à sang dans la nuit du mercredi 27 novembre. Ces débordement violents, ponctués par l'incendie du consulat iranien, sont parmi les plus meurtriers depuis le début des manifestations, où des milliers d'Irakien·nes réclament le départ de l'ensemble de la classe politique, inchangée depuis des années et jugée corrompue. Cet événement a, entre autres, entraîné la démission du Premier ministre Adel Abdel Mahdi, annoncée par communiqué ce vendredi 29 novembre.
Mohammed Sawaf / AFP
Un jeune Irakien conduit sa bicyclette à travers des pneus en feu dans la ville de Karbala, au sud de Bagdad. La jeune génération, principalement chiite, est le véritable moteur de ces manifestations. «L’impatience des Irakiens, en particulier de la jeunesse, face à la corruption et à l’inefficacité de la classe politique, a atteint le niveau du point de rupture», estime l’écrivain irakien Sinan Antoon, lauréat du Prix de la littérature arabe 2017, dans un entretien accordé au journal Le Monde. «Ce mouvement d’octobre ne serait jamais arrivé sans ces jeunes prêts à sacrifier leur vie.»
Ahmad al-Rubaye / AFP
Un groupe d’Irakiens transporte un manifestant blessé après avoir été frappé par une cartouche de gaz lacrymogène, lors d'affrontements avec les forces de sécurité dans la capitale, le 15 novembre 2019. D’abord relativement pacifique, le mouvement s’est durci face à la violente répression des forces de l’ordre et s’est propagé de Bagdad aux régions chiites du sud du pays.
Ahmad al-Rubaye / AFP
Pour riposter, un manifestant utilise un lance-pierre attaché à une voiture tuk-tuk lors d'affrontements avec les forces de sécurité, dans la rue al-Rasheed à Bagdad, le 26 novembre 2019. Ces tuk-tuk jouent un rôle inattendu dans la révolte populaire, faisant office de camion de ravitaillement, d’ambulance et, comme ici, d’arme de combat.
AFP
Après avoir tenté de disperser la foule avec des gaz lacrymogènes, les forces de sécurité se sont retirées du consulat iranien de la ville sainte de Nadjaf, laissant les manifestant·es mettre le feu au bâtiment. Sous les cris de «l’Iran dehors!», l’édifice a brûlé toute la nuit du mercredi 27 novembre. À l'aube, les tirs et les courses-poursuites entre protestataires et forces de l’ordre se sont multipliées, de Bagdad à Nassiria en passant par Nadjaf.
Haidar Hamdani / AFP
Le 28 novembre, les Irakien·nes comptent leurs morts. Ils sont nombreux à braver le couvre-feu pour enterrer leurs proches à Nadjaf, ville symbolique pour les chiites. La répression policière a causé la mort de 45 protestataires durant ces jours sanglants, portant le total des victimes à plus de 390 Irakien·nes. Réagissant à l’annonce de ce bilan macabre, l’ayatollah Ali Al-Sistani, vénéré par des millions de chiites dans le monde, a réitéré le vendredi 29 novembre son soutien aux manifestant·es, appelant la classe politique à agir. Quelques heures plus tard, le Premier ministre irakien Adel Abdel Mahdi annonçait sa démission.
Photographe français membre de l'agence Hans Lucas. Finaliste du prix de la photo Lucas Dolega-SAIF de Reporter sans frontière (RSF) // Sélectionné au Prix Bayeux-Calvados des Correspondants de...