Le mystère de la «Nuit blanche»
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Le mystère de la «Nuit blanche»

Fanny Arlandis -

Ses photos sont toutes prises sur le vif, au flash et à la verticale. «Je tombe toujours sur des choses ou des scènes étranges ce qui me fait me poser plein de questions, raconte le photographe chinois Feng Li. Mes photos sont comme une preuve qui confirme que ces choses sont bel et bien réelles. Sans la photo, je n’y croirais sans doute pas moi-même.» Son travail intitulé White Night (2005-2017) est exposé à la Galerie Oberkampf, à Paris, du 7 au 19 octobre. 

2007 | Feng Li

 

«Je suis sorti diplômé de l’université de médecine en 1991 puis j’ai intégré un poste de fonctionnaire au bureau provincial de la santé et de l’hygiène où je suis resté jusqu’en 1999. C’est à ce moment-là que j'ai commencé à m'intéresser doucement à la photo, ça m’amenait beaucoup de plaisir. Par contre, je commençais à m’ennuyer sérieusement au bureau jusqu’au moment où je me suis dit que je ne pouvais pas rester comme ça à perdre mon temps. Alors, j’ai posé ma démission auprès du directeur en lui annonçant que je voulais trouver un travail en lien avec la photographie.»

2010 | Feng Li

 

«Par chance, il y avait un poste de photographe qui se libérait au bureau de la communication. J’ai donc été recommandé par mon directeur et je suis devenu "photographe professionnel". Mon travail pour le gouvernement consiste à prendre des photos de réunions officielles, d’activités locales. Il s’agit surtout de rendre compte de l’urbanisation au jour le jour, du développement économique de la région, de l’harmonie sociale, etc.»

2007 | Feng Li

 

«À partir de 2005, j’ai commencé à avoir une intention photographique personnelle. C’était comme si une fenêtre s’était ouverte sur un autre monde. Cela m’a mené à repenser toute la vie et c’est naturellement que je me suis servi de la photo pour exprimer mon nouvel état d’esprit et mes interrogations.»

2009 | Feng Li

 

«Pour moi, peu importe le sujet, du moment que je peux faire des photos. Je suis curieux et passionné. Bien sûr, les sujets que je traite pour le boulot ne sont pas ceux que je choisirais personnellement mais du moment que je ne suis pas obligé d’être assis sur une chaise au bureau, je suis content! On peut dire que la photographie m’a littéralement ouvert les yeux, elle a approfondi ma compréhension du réel, elle m’a rapproché de la société et, en fait, c’est souvent lors de missions "officielles" que je fais mes photos personnelles.»

2009 | Feng Li

 

«J’aime le format vertical. Au début, c’était parce que je pouvais recadrer plus facilement et retirer ce dont je n’avais pas besoin pour me concentrer sur le sujet, puis c’est devenu une habitude. Les photos prises au flash ont quelque chose de théâtral, comme si le sujet était un comédien sur une scène illuminé par un spot. C’est simple et direct. En plus ça procure un état de "ni jour ni nuit" aux images, ce qui convient parfaitement à l’ambiance de "White Night".»

2010 | Feng Li

 

«Il y a dix ans environ, j’ai dû faire un reportage sur un "festival des lumières" pour le bureau. Quand je suis arrivé sur le site, il y avait un brouillard épais et des structures lumineuses en forme d’hommes ou d’animaux de toutes tailles ainsi qu’un gigantesque arbre de noël qui scintillait dans la nuit. C’était à la fois féérique, absurde et surnaturel. C’est ça qui m’a apporté le vrai déclic sur mon travail et la série White Night.»

2016 | Feng Li

 

«Lors de cette "fête des lumières", je me tenais seul dans sur ce site un peu irréel sans voir nettement si c’était le jour ou la nuit. C’est ça pour moi la "nuit blanche" et c’est ça mon monde. À partir de ce moment, toutes les photos que j’ai prises ont toutes portées le label "White Night", car elles ont toutes quelque chose d’un peu insolite ou improbable. En fait, toutes mes photos s’inscrivent dans la continuité de cette drôle de nuit.»

2016 | Feng Li

 

«Pour moi, White night, c’est un état. Un état trouble et confus d’où peut surgir à tout moment des choses inimaginables. Mon approche n’est pas compliquée. Je suis mon intuition et tâche de capturer les choses insolites qui m’entourent d’une manière simple et directe. C’est pour ça que dans mes photos on ne trouve pas beaucoup de nuances ni de détails. Il n’y pas de belle composition ni de belle lumière. Ce que je retranscris, c’est juste une certaine confusion face au monde.»

Fanny Arlandis

Fanny Arlandis

Journaliste, elle écrit principalement sur la photographie et le Moyen-Orient pour Le Monde, Télérama et Slate.

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