A la suite de la crise économique de 2008, Brittany Powell, une jeune photographe américaine, s’est retrouvée sans travail, au point qu’en 2012 elle se déclare en faillite. Elle n’a alors même pas 30 ans. Ce constat d’échec prématuré a suscité chez elle l’envie de libérer la parole sur le problème de l’endettement, qui concerne des Américains d’âges, origines et milieux différents. Ainsi, est né The Debt project, une série de 99 portraits qu’elle réalise aux quatre coins de son pays grâce à une campagne Kickstarter. Interviewée par Slate.fr, elle nous livre son témoignage et raconte la genèse de ces photos.
Brittany Powell
Debt Portrait #12, Richmond | CA 2013 «Je n’avais jamais pensé aux dettes avant de me retrouver moi-même en situation précaire», raconte Brittany Powell, qui a vécu dans un sous-sol pour 500 dollars par mois, vivotant en donnant des cours de surf et devait rembourser 36.000 dollars de dettes contractées majoritairement en frais du quotidien. «Les gens ici [aux Etats-Unis], surtout les jeunes, sont peu éduqués sur les rouages du marché financier, le système des cartes de crédits et des emprunts alors qu’on en a tous.»
Brittany Powell
Debt Portrait #8, San Francisco, CA 2013 | «Déclarer faillite devait être un nouveau départ. J’ai refusé d’en avoir honte et j’ai commencé à en parler autour de moi, à mes amis, ma famille… Cette photo est la première que j’ai prise. Martin est un vieil ami et il est l’exemple le plus extrême de la série: il a monté un business autour de la marijuana medicale et s’est retrouvé piégé (et endetté) par des changements de législation sur ce sujet. En plus, il a dû payer des notes médicales considérables parce qu’il a eu un anévrisme cérébral sans être couvert par une assurance maladie. Il parle très ouvertement des fortunes qu’il doit encore rembourser et reste incroyablement positif.»
Brittany Powell
Debt Portrait #10, Oakland, CA 2013 | «Pour chaque photo j’avais en tête les portraits réalisés par les peintres flamands, très sobres et réalistes, où les gens posent parfois avec leurs possessions», explique la photographe. Le contraste est d’autant plus saisissant que ces portraits représentaient généralement des négociants aisés, des bourgeois et notables.
Brittany Powell
Debt Portrait #42, New Orleans, LA 2015 | Brittany Powell ne dirige pas les témoins qui posent tel quel dans leur intérieur. «La maison est une partie essentielle de mes photos. Ça me touche d’autant plus que les américains sont des gens très privés. Ce n’est pas dans notre culture d’inviter facilement chez nous; c’est vraiment quelque chose d’intime.»
Brittany Powell
Debt Portrait #32, HArrison Township, MI 2014 | «Il est étonnant de voir que le cadre paraît parfois cosy, alors qu’en réalité il ne l’est pas du tout. Michèle vit dans une caravane au milieu d’un trailer park sordide et a une histoire très dure.»
Brittany Powell
Debt Portrait #1, San Francisco, CA 2013 | «J’ai trouvé les modèles par relations ou bien via Facebook et Craigslist. Danièle est ma coiffeuse. Quand je lui ai parlé du projet elle s’est portée volontaire. Cela nous a beaucoup rapprochées.»
Brittany Powell
Debt Portrait #33, Detroit, MI 2014 | «Je pense que Bernita était très embarrassée. C’était un moment chargé en émotions fortes. Mais, globalement, les modèles voient cette démarche comme un moyen de s’exprimer et de prendre le contrôle sur une situation socialement peu acceptable.»
Brittany Powell
Debt Portrait #38, New Orleans, LA 2015 | «Il y a un aléa géographique à la situation de chacun. Par exemple, Gary est spécialisé en science informatique, un domaine a priori économiquement rentable, mais il bataille pour trouver un travail. Peut-être parce qu’il vit à la Nouvelle Orléans…»
Brittany Powell
Debt Portrait #26, Oregon City, OR 2014 | Ce projet révèle aussi les limites du rêve américain. «Grace était la première de sa famille à faire des études, elle pensait aller dans la bonne direction, mais le système l’a induite en erreur. Maintenant elle doit rembourser des prêts étudiants colossaux. Et son mari est en prison.»
Brittany Powell
Debt Portrait #43, New Orleans, LA 2015 | Depuis 2008, la dette moyenne étudiante n’a cessé de croître et représente 6% du PIB des Etats-Unis et 7,7% du revenu disponible brut des ménages américains. «Moi même j’ai à nouveau sourscris à un prêt étudiant pour obtenir un master qui me permet maintenant d’enseigner la photographie à l’université.»
Marie Salomé Peyronnel est journaliste freelance pour Glamour, Stylist, Technikart et Vanity Fair.fr. Auteure du Livre qui console (Flammarion) illustré par Joann Sfar.