«Petite robe de fête»: Delphine Schacher et les enfances roumaines
Culture

«Petite robe de fête»: Delphine Schacher et les enfances roumaines

Fanny Arlandis -

A l'automne 2012, Delphine Schacher se rend en Transylvanie (Roumanie), pour réaliser un travail photographique. Elle décide de l'appeler «Petite robe de fête», en écho au livre du même nom écrit par Christian Bobin.

«Dans ce roman, un passage traite notamment avec beaucoup de poésie ce moment du passage de l’âge de l’enfance à celui de l’âge adulte, explique la photographe. Ces lignes m'ont vraiment touchée et accompagnée inconsciemment dans mon travail

«Dans "Petite robe de fête", il y a clairement une intervention personnelle de ma part. Je ne désirais pas traiter d’une thématique journalistique ou factuelle, mais davantage miser sur la poésie, sur cet entre-deux entre rêve et réalité. Je désire que mes images se lisent comme un conte», poursuit la photographe.

Delphine Schacher est exposée jusqu'au 16 mars à Paris au Centquatre, dans le cadre de Circulations, le festival de la jeune photographie européenne.

 

Elizenda et la poule | «C’était la deuxième fois que je me rendais dans ce village de Transylvanie. J’y étais allée une année auparavant, en 2011, pour y effectuer un travail photographique documentaire qui consistait à suivre les traces de mon père qui s’était rendu lui-même dans cette région en 1991 peu de temps après la chute du régime Ceaucescu.» 

Dédale«Mon père s’était rendu dans des petits villages avec une association afin d’y apporter de l’aide matérielle. Il en a ramené des souvenirs forts et des images qui m’avaient donné l’envie de me rendre moi-même en Roumanie un jour. J’ai alors décidé en tant que photographe de me rendre dans ces villages et de retrouver les lieux et personnes qui étaient présentes sur ses photographies de l’époque et de refaire les mêmes images vingt ans après avec les mêmes personnes si possible sinon avec d'autres.» 

Gyöngyke«Ce travail m’a permis de rencontrer beaucoup de personnes et de pouvoir leur présenter des photographies que la plupart n’avaient jamais vues. C’était une expérience très forte. Puis il y eût ce moment où je me suis rendue vers une maison afin d’y photographier le jardin. Sur la photo de mon père, cet espace était totalement défraîchi. Je me suis retrouvée vingt ans plus tard face à une petite fille qui faisait du vélo dans ce même jardin verdoyant et plein de vie. C’était Gyöngicke, la petite fille aux yeux verts présente aujourd’hui dans ma série photographique. C’était le moment de notre rencontre, et nous avons alors commencé à jouer ensemble, à rire, puis sa soeur est arrivée et j’ai rencontré les autres fillettes de ce petit village. Au milieu de cet espace rural à l’ambiance parfois rude, se dégageait alors leur beauté, leur grâce, une sorte de pureté difficile à exprimer par des mots. Ça m'a fait penser à la "force pure" dont parle Christian Bobin. Ces jeunes filles m’ont tout de suite touchée, elles m’ont aussi sûrement un peu ramenée à ma propre enfance. J’ai eu envie de jouer et de travailler avec elles. C’est ainsi que ce projet est né dans mon esprit et que j’ai décidé d’y revenir un an après pour travailler uniquement avec elles.»

Cheval de feu«Dans ce travail, j'ai désiré explorer un style qui ne s’apparente pas à une démarche purement documentaire, mais plutôt à un récit poétique et métaphorique autorisant une liberté de narration dans mes images et laissant place à une interprétation qui ne se rattache pas uniquement au réel des personnages photographiés, mais plutôt à nos émotions face aux images.» 

Zsanett«Les portraits se mélangent aux images d’une Roumanie imprégnée de son passé, mais je ne tenais pas à me rattacher à une réalité factuelle ni à un état des lieux de ce qu’est la jeunesse en Roumanie.»

Le Bar«Mon fil conducteur fût alors principalement l’alchimie entre les fillettes et la lumière naturelle, mais j’ai également décidé de mettre les portraits en parallèle avec des images de leur environnement qu’il soit naturel ou matériel, permettant à la fois d’illustrer les traces du passé et le décor dans lequel elles évoluent et grandissent.»

Elizenda«Aussi, pour instaurer un jeu de mise en scène, j’avais emporté avec moi des vêtements que j’ai proposé à ces jeunes filles de porter. Il ne s’agissait non pas de les déguiser ou de singer la réalité mais davantage de se mettre dans un rôle qui n’est pas le même que celui qu’elles ont au quotidien, de sentir l’instant, d’installer une ambiance particulière de ce moment photographique, de créer un tableau.» 

Dorka«Peut-être le vêtement procure une stature différente, mais leur expression est la leur et n’est pas celle d’un rôle qu’elles tentent de jouer. Bien que j’ai utilisé ces vêtement comme des outils, ce qui fait la force de ces portraits ne se situe à mon avis pas à ce niveau-là mais bien au niveau de l’expression de ces jeunes filles à ce moment-là, expression qui vient d’elles et non d’une commande de ma part. C’est ce que j’aime par-dessus tout.» 

Grains de chaux «Il est important pour moi que cette série tienne cette note poétique qui s’ancre sur la vie réelle certes mais qui nous entraîne ailleurs, à quelque chose qui se ressent et non qui s’explique.» 

Avant le jour«J’ai bien évidemment été aidée par la lumière. Cette lumière chaude de l’automne enveloppe ce précieux moment d’enfance qui disparaîtra bientôt.» 

Fanny Arlandis

Fanny Arlandis

Journaliste, elle écrit principalement sur la photographie et le Moyen-Orient pour Le Monde, Télérama et Slate.

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