Chiens parfaitement imparfaits
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Chiens parfaitement imparfaits

Fanny Arlandis -

Alex Cearns a réussi à réunir ses deux passions: les animaux et la photographie. Dans son studio de Perth, en Australie, elle photographie plus de 1.000 animaux domestiques chaque année. «J'aime tous les animaux que j'ai eu le privilège de photographier mais ceux qui sont perçus comme "différents" occupent une place spéciale dans mon cœur, raconte-t-elle. Ce sont les créatures qui ont perdu une jambe, qui sont nées sans yeux, ou qui montrent encore les cicatrices d'abus antérieurs. Elles s'adaptent à leur corps sans se plaindre et survivent avec détermination. La ténacité des animaux à surmonter l'adversité ne cesse de m'étonner.» Elle vient de sortir un livre sur les chiens: Perfect Imperfection.

 

«Chaque séance photo dure moins d'une heure et je prends autant de photos que possible. C'est à moi se saisir leurs personnalités qui brillent dans ces moments pendant quelques fractions de seconde. Je connais toujours un peu chaque chien avant qu'il ne vienne au studio, mais tous ne cessent jamais de m'étonner. La principale chose que j'ai apprise en travaillant avec ces beaux chiens est qu'ils vivent dans le moment présent et ne s'attardent pas sur leurs différences. Ils sont pris en charge par des gens qui les aiment. Je voulais sortir ce livre depuis 8 ans, depuis que j'ai photographié mon premier chien “parfaitement imparfait”.»

«Bali Pip a été sauvée des rues de Bali par la Bali Animal Welfare Association, raconte la photographe Alex Cearns. Cette chienne avait alors la gale, elle avait perdu la majorité de sa fourrure. Quand j’ai pris l’avion pour Bali afin de photographier les animaux sauvés, j'ai choisi Pip pour une séance de photos parmi vingt autres chiens. Bali Pip était naturelle et elle aimait être au centre de l’attention. C’était un chiot mignon, curieux et joueur. Ses images sont devenues plus tard virales et les gens de partout dans le monde sont tombés amoureux d'elle. Après que sa gale a été soignée, elle a été adoptée dans une maison aimante.»

«En février 2016, on a découvert que Dotty avait un mélanome dans l'œil gauche, explique sa maîtresse Bernadette. Elle a immédiatement été opérée et on lui a enlevé son œil. Apparemment, le mélanome l’avait rendue peu à peu aveugle alors qu'elle grandissait, donc n'avoir plus qu’un œil maintenant ne faisait pas vraiment de différence. Elle se cogne occasionnellement et ne remarque pas les gens de son côté aveugle. C’est une chienne très expressive quand elle attend quelque chose de nous, comme une promenade ou les restes de notre dîner. Même avec un seul œil, Dotty n'a pas abandonné son passe-temps favori: la chasse aux rats.»

«Jakk n'avait que quelques jours lorsqu'il a été retrouvé dans une poubelle le 5 avril 2016, à Baldivis, en Australie, raconte Edith. Son cordon ombilical venait juste de tomber et son nombril n'avait pas cicatrisé correctement. On croit qu'il a été jeté à la poubelle à cause de ses pattes avant déformées. Lors de ses premières semaines, il a reçu des soins 24 heures sur 24. Il avait besoin d'un biberon et d'une aide à la toilette, ainsi que de nombreux câlins et de beaucoup d’amour. Malheureusement, Jakk est décédé quand il avait 16 mois.»

«Jessie était une chienne très active et en bonne santé jusqu'en septembre 2014, alors qu'elle avait 5 ans, raconte Karri. Elle courait après une balle dans le parc, comme d'habitude, lorsqu'elle a fait un virage serré et a laissé échapper un fort aboiement. Sa colonne vertébrale s’était rompue. Nous avons lentement accepté le fait qu'elle ne retrouverait jamais le mouvement de ses pattes arrières, ni ne remuerait sa queue. Jessie a maintenant un fauteuil roulant pour se déplacer à l'extérieur et se traîne quand elle n'est pas en promenade. Nous lui mettons une couche adaptée le soir. Elle demande toujours de faire des promenades et aime ses roues, elle est assez rapide et nous avons dû faire remplacer les roues à plusieurs reprises en raison de leur usure. Sa vie a peut-être changé, mais sa qualité de vie n'a certainement pas changé.»

«Keisha a eu une discopathie intervertébrale qui s'est manifestée soudainement, raconte Janet. Elle allait bien toute la journée, elle jouait avec mes petits-enfants, puis plus tard elle semblait boîter et faible sur ses pattes arrières. Je l'ai emmenée chez le vétérinaire et quelques heures plus tard elle était complètement paralysée. On lui a donné un fauteuil roulant et on nous a dit de la laisser l'utiliser pendant 10 minutes pour commencer et l'y aider. Keisha avait d'autres idées. La minute où on l’a posée sur son fauteuil, elle a décollé. Elle est même allée près de ma voiture et a essayé de sauter, comme elle le faisait auparavant. C'était comme si elle pensait "Je peux marcher encore, alors je vais monter dans la voiture". Son meilleur ami est Reuben, qui est également en fauteuil roulant. Rueben, explique Tanya, a toujours été un chien extrêmement actif. Après un moment de nage à la plage un jour, ses jambes arrières se sont effondrées et il traînait ses pieds. Je l'ai emmené chez le vétérinaire d'urgence mais il a continué à perdre la fonction de son dos. Après de nombreux tests et une semaine en soins intensifs, on a découvert qu'il avait un disque bombé qui s'était rompu et qui a perforé sa moelle épinière.»

«Lady a perdu un œil à cause d’un glaucome en 2011, et nous étions très tristes d'apprendre qu'elle développait aussi un glaucome dans son deuxième œil, explique Vickie. Malgré tous nos efforts pour sauver sa vision, elle a malheureusement dû se faire enlever son deuxième œil juste avant Noël 2014. Nous n'avons pas eu à nous inquiéter car la cécité l'a à peine ralentie.»

«Une partie du passé d'Oompah demeure un mystère, raconte Claire. Elle a été ramassée par Shenton Dog Refuge dans un état terriblement maltraité et négligé. Elle était trop maigre et la gale avait provoqué la chute de 80% de ses poils, sa peau était craquelée et suintait, ses deux oreilles étaient infectées, elle avait une conjonctivite dans les deux yeux, et souffrait d’anxiété à la vue d’un balais et quand elle était laissée seule. Avec l'aide d'Alex Cearns qui a pris cette photo, nous avons cherché des dons et elle a reçu de l'aide de centaines de personnes pour payer ses frais médicaux élevés.»

«En février 2016, raconte Alice, au cours d’une nuit, Raul est tombé malade. Nous ne savions pas ce qui n'allait pas -il ne voulait pas manger ni être près de nous et ses jambes ne fonctionnaient pas correctement. Nous l'avons emmené voir un vétérinaire spécialiste qui a immédiatement expliqué qu’il avait un problème de dos. Un disque inférieur s'était rompu dans sa colonne vertébrale. Il s’est fait opérer mais ça n’a pas arrangé sa paralysie. Nous avons ensuite passé du temps à chercher quel fauteuil lui acheter. Même s'il ne peut toujours pas marcher correctement, plus d'un an plus tard, ses jambes bougent et parfois il est capable de faire quelques pas à la maison. À la maison, il se traîne assez joyeusement -à l'extérieur, nous utilisons le fauteuil roulant et il ne fait pas la différence. Parfois, des étrangers nous demandent pourquoi nous l'avons gardé en vie, mais dès qu'ils voient à quel point il est heureux, ils nous comprennent. C'est un petit gars formidable et résistant, et même si nous espérons encore que son état s'améliore, s'il ne retrouve jamais toute sa mobilité, nous savons qu'il a eu la meilleure vie possible.»

«Quand Vegemite avait environ 3 ans, raconte Chantelle, il a été attaqué par notre autre chien. C’était horrible, son œil pendait. Nous l'avons emmené chez le vétérinaire, il a essayé de sauver son œil, mais c’était impossible. J'étais inquiète à l'époque de ce que j’allais ressentir pour lui avec un seul œil, mais je me suis vite rendu compte qu'il était toujours le même, en un peu plus spécial. Il s'est bien adapté et adore regarder la télé.»

Fanny Arlandis

Fanny Arlandis

Journaliste, elle écrit principalement sur la photographie et le Moyen-Orient pour Le Monde, Télérama et Slate.

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