Et si des lettres de l'alphabet arabe se cachaient dans les objets du quotidien?
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Et si des lettres de l'alphabet arabe se cachaient dans les objets du quotidien?

Fanny Arlandis -

C'est un ami designer qui a lancé le défi à Ahmad el-Abi: mener une réfléxion sur l'alphabet arabe. L'artiste égyptien se lance alors dans un long travail pour créer une photographie à partir d'objets du quotidien pour chacune des 28 lettres. «Le but était d'approcher différemment cet alphabet, raconte Ahmad el-Abi. J'ai toujours pensé que son apprentissage était difficile et pas drôle alors je vois ce projet comme une façon de donner envie aux gens d'apprendre l'arabe, et de montrer les talents des artistes arabes au reste du monde!» Son travail est exposé à l'Institut du monde arabe, à Paris, dans le cadre de la deuxième édition de la Biennale des photographes du monde arabe contemporain, jusqu'au 12 novembre 2017.

"ﺍ" The Floating Hug © 2016 | Ahmad El-Abi

 

«C'est la première lettre que j'ai faite. J'étais assis à réfléchir à ce projet et j'avais devant moi cette poupée, en la manipulant je me suis rendu compte que d'une certaine façon, elle ressemblait à un alif [ﺍ]. J'ai trouvé ça drôle et je me suis dit que je pouvais arriver à mener à bien le projet avec toutes les lettres de l'alphabet.»

"غ" The Guilty Pleasure © 2016 | Ahmad El-Abi

 

«Cette image a été difficile. Je voulais utiliser des menottes pour le 'ayn [ﻉ] ou le ghayn [غ] mais j'avais aussi envie que ce soit drôle, que la photo reflète le fait que chacun a son propre plaisir coupable. Au début du projet, nous nous laissions trois jours pour chaque lettre, mais les gens étaient occupés et pas toujours disponibles quand on voulait donc à un moment on a donc dû ajouter plus de temps entre la prise de vue de chaque lettre et à la fin, il se passait jusqu'à trois semaines entre chaque lettre!»

"ح" The Heel © 2016 | Ahmad El-Abi

 

«Cette idée est celle qui m'est venue le plus facilement pendant le projet. J'ai tout de suite vu un Ha' [ح] dans ce talon. Certaines lettres ont été très difficiles à conceptualiser, jusqu'à aujourd'hui il y en a certaines que je suis le seul à voir dans les images!»

"ت" The Bubbly Eyes © 2016 | Ahmad El-Abi

 

«Cette image pouvait être un ba' [ﺏ] , un ta' [ت] ou un tha' [ث], mais j'avais déjà un ba' [ﺏ] et j’ai pensé que cela ferait un beau ta' [ت], plus qu’un tha' [ث]. Je me suis ensuite dit qu'il fallait ajouter deux bulles pour faire les points, mais je n'arrivais pas à capter les bulles au bon moment et au bon endroit, devant les yeux, pendant les prises de vue. Alors je les ai manuellement disposées avec photoshop. Ces trois lettres (ba' [ﺏ], ta' [ت] et tha' [ث]) de l'alphabet étaient compliquées à réaliser car elles ont la même forme, c'est juste le nombre de points et leur place qui changent.»

"ش" The FUNeral © 2016 | Ahmad El-Ab

 

«En général, c'est cette image que les Égyptiens préfèrent. Je déteste les funérailles, je n'y vais jamais. Voir des gens en noir, assis les uns à côté des autres… Les funérailles sont tristes partout mais en Égypte il y a une dimension dramatique énorme. En mettant les gens côte à côte avec des ballons et des lunettes j'ajoutais une dimension humoristique. En Égypte, il faut aussi servir du café pendant les funérailles, je ne sais pas pourquoi mais c'est obligatoire. C'est donc pour ça que j'ai donné une tasse de café à mes trois personnages.»

 "ل" The Floating Slinky © 2016 | Ahmad El-Ab 

 

«Les personnes sur les photos sont principalement des amis proches. Comme je ne suis pas photographe professionnel, je ne suis à l'aise que pour photographier des individus que je connais.»

"ﻫـ" The Music Circle © 2016 | Ahmad El-Abi

 

«Cette image a été une des plus faciles à faire. J'ai toujours trouvé que cet instrument ressemblait à un ha' [ﻫـ]. La difficulté a été de l'arranger. J'ai fait un dessin mais l'image était trop vide on aurait juste dit un cercle entre ses mains, c'est pour cela que j'ai ajouté des notes de musique en couleurs. C'est comme un cercle musical, la musique sort, monte le long de son corps jusque dans sa bouche.»

 "ث" The Young Wing © 2016 | Ahmad El-Ab

 

«C’était la dernière lettre de ba' [ﺏ], ta' [ت] et tha' [ث]. J’avais fait ces ailes pour un autre projet, mais je voulais que cet ami soit sur une photo et ces ailes collent à sa personnalité. C'est un jeune photographe un peu réveur, je trouvais que ça lui convenait. Pour faire les trois points, j'ai pensé aux ballons blancs.»

"ي" The Nyan Duckship © 2016 | Ahmad El-Abi

 

«Je voulais être dans une lettre. J’ai gardé la dernière lettre pour moi. J’adore faire des photos de moi, mon compte Instagram est plein de selfies. Et j’aime les canards en plastique, cela fait partie de mon identité d’artiste, j’en utilise beaucoup tout le temps. Mais il y a aussi le fait que le ya' [ي] est associé au canard (batta en arabe) quand on cette langue. Le canard, on dit c'est "ya batta". J'ai ensuite voulu que le canard ressemble au Nyan Cat, ce même créé sur internet, alors j'ai mis un arc en ciel.»

Fanny Arlandis

Fanny Arlandis

Journaliste, elle écrit principalement sur la photographie et le Moyen-Orient pour Le Monde, Télérama et Slate.

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