France

Il y a 300 pétitions en faveur de Snowden sur Change.org, pas sûr que la dernière change la donne

<a href="https://www.flickr.com/photos/greensefa/13105939224">Au Parlement européen en mars dernier</a>, le groupe des Verts avait demandé aux Etats-Membres d'accorder l'asile à Edward Snowden, sans obtenir gain de cause, par Greensefa | FlickR <a href="http://creativecommons.org/licenses/by/2.0/deed.en">licence cc by</a>
Au Parlement européen en mars dernier, le groupe des Verts avait demandé aux Etats-Membres d'accorder l'asile à Edward Snowden, sans obtenir gain de cause, par Greensefa | FlickR licence cc by

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Bernard Kouchner, Pierre Bergé, Luc Ferry, Jack Lang ou bien encore Michel Rocard... Ils sont parmi les 53 premiers signataires d'une pétition, lancée ce mardi 3 juin, qui demande très solennellement à «François Hollande [d'accorder] l'asile politique à Edward Snowden», l'ancien consultant de la NSA qui a révélé il y a un an tout juste les pratiques de surveillance massive de l'agence de renseignement américaine, et qui est aujourd'hui réfugié en Russie.

Cet appel, à l'initiative du journal L'Express, a été déposé sur une plate-forme précisément dédiée à la publication de ce genre de manifestes, Change.org. Un site qui concentre déjà... «environ 300 pétitions consacrées à Snowden», nous indique par mail Benjamin des Gachons, directeur des campagnes en France de Change.org.

En France, aux Etats-Unis, en Nouvelle-Zélande, en Islande, en Allemagne, ou bien en Inde, nombreux en effet sont les appels qui demandent depuis des mois à tel ou tel gouvernement de recevoir et protéger le lanceur d'alerte. Plus ou moins sérieux (une pétition française réclamant par exemple d'un même coup l'asile pour Snowden, et la démission de François Hollande), plus ou moins populaires aussi, certains ne dépassant pas la dizaine de voix, d'autres atteignent 7.000 signatures, tous ces manifestes ont la même particularité: ils sont passés plutôt inaperçus.

Et il semble peu probable que cette nouvelle pétition, malgré ses plus de 65.000 signataires à date, des soutiens prestigieux et une médiatisation assurée par L'Express, parvienne à faire mieux.

Déjà parce que les questions de surveillance, et d'érosion de l'intimité sur Internet, n'agitent pas particulièrement les foules en France. Ensuite, parce que le gouvernement a un avis bien arrêté sur la question. Lors du Conseil européen d'octobre dernier, qui s'est vu complètement chamboulé par les révélations Snowden et l'annonce de l'espionnage des portables de nombreux dirigeants par les Etats-Unis, François Hollande avait rappelé la «procédure judiciaire engagée» par les Etats-Unis contre lui. Et écarté «d'un revers de main l'éventualité d'accorder l'asile au lanceur d'alerte», rapportions-nous alors sur Slate.

Une position dont la fermeté avait déjà été éprouvée quelques mois auparavant, dans la nuit du mardi 2 au mercredi 3 en juillet 2013. Soupçonné de transporter Edward Snowden, l'avion du président bolivien Evo Morales, alors en provenance de Moscou, aurait été interdit de survol des territoires français, italien, portuguais et espagnol. Deux jours plus tard, Manuel Valls, alors ministre de l'Intérieur, indiquait par un communiqué laconique ne pas «donner suite» à une demande d'asile adressée par Edward Snowden.

Ces révélations Snowden peuvent être utiles. Sont déjà utiles.

François Hollande, le 25 octobre 2013

En répétant —mais cette fois en tant que Premier ministre— ne pas être «favorable» à cette demande d'asile, quelques heures après la publication de la pétition de l'Express, Manuel Valls ne fait donc que répéter une nouvelle fois la position française, qui n'a jusque là pas bougé d'un iota. Bien sûr, ce manifeste a le mérite de reposer la question du sort d'Edward Snowden, considéré comme un traitre par les uns, comme un héros par les autres, et dont l'asile en Russie arrivera à son terme fin juillet.

Et Manuel Valls a le tact et l'intelligence d'y mettre les formes, en ajoutant que si «la question se pose elle sera bien sûr examinée». Mais ces propos l'engagent-ils davantage que François Hollande, quand il reconnaît en octobre «l'utilité» des révélations Snowden?

Selon l'historien Patrick Weil néanmoins, le whistleblower pourrait très bien faire fi de l'avis des gouvernants français, pour peu qu'il déclenche une procédure visant à obtenir un «asile constitutionnel». «[...] Plus restreint que l'asile conventionnel», explique le chercheur sur Le Monde, ce droit est aussi «plus protecteur»:

«[...]il n'implique pas la présence en France du demandeur persécuté. Où qu'il se trouve dans le monde, s'il combat pour la liberté, la France déclare lui offrir sa protection. Depuis 1998, sur le seul fondement de l'asile constitutionnel, plus de 50 combattants étrangers pour la liberté ont ainsi trouvé refuge dans notre pays.»

Ce statut a un autre avantage: il ne dépend pas du gouvernement. C'est en effet l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides qui examine d'abord les demandes, précise encore Patrick Weil, suivi, en cas de refus, de la Cour nationale du droit d'asile puis le Conseil d'Etat en dernier recours.

Encore faut-il qu'Edward Snowden reformule une demande. Pour le moment, ce dernier a seulement indiqué avoir «transmis une demande formelle d'asile au Brésil», rapporte RFI.

 

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