France / Politique

NKM, une victoire malgré tout

Certes, Nathalie Kosciusko-Morizet s’est inclinée face à Anne Hidalgo dans la course à la mairie de Paris. Mais la candidate de l’UMP a gagné son véritable pari: celui de s’imposer comme une femme sur qui compter à droite.

Nathalie Kosciusko-Morizet, le 24 mars. REUTERS/Jacky Naegelen
Nathalie Kosciusko-Morizet, le 24 mars. REUTERS/Jacky Naegelen

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Elle s’en défend, mais Nathalie Kosciusko-Morizet envisageait il y a deux ans de se présenter aux municipales à Boulogne (Hauts-de-Seine), deuxième ville d’Ile-de-France derrière Paris. A l’époque, la n°4 du gouvernement de François Fillon savait que Longjumeau, ville dont elle était la maire depuis 2008, ne saurait suffire à combler ses débordantes ambitions.

Le raisonnement est limpide: ce n’est pas en administrant une modeste cité de l’Essonne que l’on devient président(e) de la République. Dès lors, la ville dirigée en son temps par son arrière-grand-père, André Morizet, apparaissait comme une piste d’atterrissage idoine. Mais, quitte à s’installer à l’entrée de Paris, pourquoi ne pas en pousser la porte?

La jeune femme a su profiter de la fenêtre de tir laissée ouverte par Jean-Louis Borloo et François Fillon, un rien velléitaires à l’heure de partir à l’assaut de la capitale. Certes, elle s’est inclinée face à Anne Hidalgo dans la course à l’Hôtel de Ville. Mais elle a surtout remporté son véritable pari, celui de s’asseoir à la table des incontournables à droite.

Un an d'exposition médiatique

Annoncée en février 2013, la candidature de NKM a d’emblée séduit: sa première conférence de presse a été l’occasion d’un ballet de plumes expérimentées et de rédacteurs en chef inhabituel en ce genre d’occasion. Une femme de 39 ans, télégénique, ancienne ministre, porte-parole de Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle, et qui présente un profil écolo-centriste, cela attire. Il est évident que les médias ne sauraient décider du sort d’une élection, mais ils y contribuent néanmoins.

Le camp Hidalgo lui-même a reconnu avoir craint pendant les premiers mois de la campagne cet adversaire qui prenait si bien la lumière. Preuve de l’intérêt suscité, pas moins de quatre biographies de NKM ont été publiées depuis septembre dernier (dont une commise par l’auteur de ces lignes), quand la socialiste, elle, n’a eu les faveurs que d’un portrait croisé avec sa concurrente.

Plus que de remporter une élection perdue d’avance du fait de la sociologie locale, Nathalie Kosciusko-Morizet a fait le pari d’engranger un an d’exposition médiatique. Son conseiller en communication, l’omniprésent Jean-Luc Mano, résumait il y a quelques mois la situation devant les auteurs d’un livre qui paraît cette semaine sur la campagne de Paris[1]:

«Certes, elle n’aura pas gagné l’élection, mais il y aura eu cinq livres sur elle. Elle a franchi un palier, marqué les esprits. Il faut regarder sur le temps long. J’ai toujours dit à Nathalie: “Cette bataille est ingagnable, mais il faut que tu la mènes. Mieux vaut être second à Rome que premier dans sa banlieue.”»

Les habitants de Longjumeau apprécieront. Néanmoins, le jugement s’est avéré pertinent.

NKM a été la candidate la plus médiatisée en France à l’occasion de ces élections municipales. Au mois de février, 15,6% des articles de la presse en ligne, des blogs, des discussions sur les réseaux sociaux ou les forums ayant trait aux municipales parlaient de Nathalie Kosciusko-Morizet, selon le baromètre Aura Mundi pour l’Argus de la presse. Le plus fort total parmi tous les candidats.

Le prix de la surexposition

En contrepartie, la représentante de l’UMP a aussi payé le prix de cette surexposition. Les mois de novembre et de décembre ont été particulièrement rudes pour elle, puisqu’il ne se passait pas une journée sans que les médias ne se fassent l’écho des déboires de sa campagne, entre dissidences et déclarations maladroites. L'idée s’est alors imposée dans l’équipe de la candidate que les journalistes traitaient avec plus d’égards la représentante du Parti socialiste.

Un ressenti qui explique la sortie de NKM, quelques semaines plus tard, contre une journaliste du Monde accusée d’être «la 21e tête de liste d’Anne Hidalgo». A la veille de Noël, Nathalie Kosciusko-Morizet, éprouvée par cette mauvaise presse et les coups de boutoir d’un Jean-François Copé franchement hostile, a carrément failli jeter l’éponge, révèlent Gaspard Dhellemmes et Bertrand Gréco dans leur livre sur la campagne.

En sus de cette exposition permanente, Nathalie Kosciusko-Morizet a tenté avec cette campagne de se repositionner sur le fond comme une femme progressiste de centre-droit. Auteur d’un pamphlet contre le Front national, titulaire au gouvernement à différents moments des portefeuilles du numérique et de l’écologie, son image avait été gâtée par la campagne très à droite de Nicolas Sarkozy.

En arrivant à Paris, elle comptait faire assaut de modernité, en se débarrassant notamment des barons «ringards» de la droite locale, les Lebel, Goasguen, Lellouche et consorts. «Le club de la lose», comme les surnommait Jean-Luc Mano. Peine perdue, ces derniers sont restés bien en place, et ont même obtenu de gros scores. L’abstention de la députée de l’Essonne lors du vote sur le mariage pour tous ne lui a, de plus, pas profité, la plaçant dans un entre-deux trop ambigu pour convaincre.

Les Guignols n’ont d’ailleurs cessé au cours de cette campagne de la dépeindre en grande bourgeoise effrayée par le peuple. Toutefois, cet hommage se révèle être à double-tranchant. Il permet en effet d’installer NKM dans l’imaginaire des Français. Et ce ne sont pas Laurent Wauquiez, réélu dans l’anonymat maire du Puy-en-Velay, ou Bruno Le Maire, qui n’était pas candidat à ces municipales, qui peuvent en dire autant.

Grâce à l’élection parisienne, la jeune femme est parvenue à accoler son nom à cette liste de quadragénaires qui, en plus de Xavier Bertrand, se poussent du col à l’UMP en vue de l’élection présidentielle. Ce qui était certainement la partie la plus facile du travail à accomplir pour faire son entrée à l’Elysée.

Olivier Faye

[1] L’histoire secrète d’une élection capitale, Gaspard Dhellemmes et Bertrand Gréco, Editions du Moment, 2014. Retourner à l'article

 

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