France

Affaire Cahuzac: que savaient Hollande, Moscovici et Valls?

Soupçons, demande d'informations à la Suisse, enquête parallèle de la DCRI... Dans la presse et à droite, de nombreuses voix accusent l'exécutif d'avoir été davantage informé de l'affaire qu'il ne l'affirme.

François Hollande et Jérôme Cahuzac à l'Elysée, le 4 janvier 2013,  REUTERS/Philippe Wojazer.
François Hollande et Jérôme Cahuzac à l'Elysée, le 4 janvier 2013, REUTERS/Philippe Wojazer.

Temps de lecture: 3 minutes

Les aveux de Jérôme Cahuzac, mardi 2 avril, sur sa possession d'un compte en Suisse puis à Singapour ont ébranlé la «République irréprochable» de François Hollande et déclenché une crise politique majeure.

«Jérôme Cahuzac a trompé les plus hautes autorités du pays: le chef de l’État, le chef du gouvernement, le Parlement et à travers lui tous les Français», a déclaré François Hollande dans une allocution prononcée depuis l’Élysée, mercredi. Une partie de la presse et de l'opposition estiment pourtant que de nombreux signaux auraient dû alerter le chef d’État et ses subordonnés.

François Hollande a-t-il été alerté?

Par deux fois, Jérôme Cahuzac a juré de son innocence au président de la République, qui a affirmé faire confiance au ministre du Budget. En réalité, le chef de l'Etat se méfiait, selon Le Monde:

«Le président s'est toujours méfié des rocardiens et des strauss-kahniens; mais Cahuzac est aussi un jospiniste, qui avait milité comme lui pour le retour de l'ancien Premier ministre en 2007. [...] François Hollande, depuis le premier jour, croit Jérôme Cahuzac capable de lui mentir, les yeux dans les yeux. Mais il préfère jouer la prudence.»

Selon le journal, l'ex-député Julien Dray, proche de François Hollande et probablement informé par la DCRI, aurait par ailleurs alerté le président sur les rumeurs d'un compte à l'étranger. Comme Edwy Plenel, fondateur de Mediapart, auquel François Hollande a demandé des preuves. «L'erreur de M. Hollande est de ne pas avoir écouté Mediapart dès décembre et demandé à M.Cahuzac de quitter le gouvernement pour se défendre», a jugé l'ancien journaliste au micro de RTL.

Par ailleurs, Michel Gonelle, ancien maire de Villeneuve-sur-Lot, adversaire politique de Jérôme Cahuzac et détenteur de l'enregistrement mettant en cause l'ex-ministre du Budget, affirme avoir appelé l'Elysée le 15 déembre afin d'«assurer le président et ses collaborateurs de l'authenticité de l'enregistrement», note le Point.

«La teneur de ses propos a été assez confuse, se défend dans Libération un conseiller de François Hollande. Il n'a apporté aucun élément tangible.»

L’Élysée s'est défendu en rappelant sa volonté de ne pas s'immiscer dans le cours de la justice. «Nous avons pensé que le plus simple était d'attendre l'enquête de justice», explique ainsi un proche conseiller du président à Libération.

Quelle demande a été faite par Moscovici?

Après Jérôme Cahuzac, Pierre Moscovici est au cœur des accusations de Mediapart. Le pure player accuse le ministre de l'Economie d'avoir «instrumentalisé les pouvoirs de l’État» afin de blanchir Jérôme Cahuzac. «Le fait que M. Cahuzac soit resté en poste après nos révélations fait qu'ils ont pu utiliser l'administration fiscale pour essayer d'entraver la marche à la vérité», a ainsi affirmé Edwy Plenel sur RTL.

Le 24 janvier, la DGFIP, qui dépend de Bercy, a adressé aux autorités suisses une demande d'entraide fiscale visant à déterminer si le ministre délégué au Budget a détenu ou clos un compte à la banque UBS depuis 2006. Mais Jérôme Cahuzac ayant transféré ses fonds à la banque Reyl & Cie en 2000, les Suisses ont répondu négativement à sa requête, indique Libération.

Si les autorités helvétiques ne sont remontées que jusqu'en 2006, c'est en raison de la prescription fiscale de six ans des comptes non-déclarés, explique le Figaro, qui ajoute qu'en raison des circonstances exceptionnelles, le fisc aurait cependant pu demander de la Suisse qu'elle enquête sur l'ensemble des banques suisses, Reyl & Cie comprise.

Côté UMP, la vice-présidente du parti Rachida Dati a d'ailleurs accusé Pierre Moscovici d'avoir orienté la question posée aux autorités suisses. Le député Claude Goasguen a lui demandé dans Le Monde la démission du ministre:

«Pierre Moscovici est ministre de tutelle de Jérôme Cahuzac donc il aurait dû effectuer un contrôle plus poussé, . Il s'est contenté de demander à M. Cahuzac “Vous avez fraudé le fisc?” Il a répondu “Non”, et la porte a été fermée.»

«Je n’ai cherché ni à entraver la justice ni à blanchir un “copain”», a protesté Pierre Moscovici face à ces accusations, jugeant sa mise en cause indigne:

«À chaque étape, j'ai agi de façon exemplaire. Il faut arrêter les polémiques sur ce terrain-là, l'action de mon ministère a été transparente, objective, diligente, sérieuse.»

Christian Eckert, le rapporteur général (PS) de la commission des Finances à l'Assemblée nationale, a défendu sur son site le ministre de l’Économie:

«Si d’autres questions restent évidemment encore sans réponse, le rôle de l’administration fiscale et celui de Pierre Moscovici sont claires et transparents, et sont juridiquement et moralement exempts de tout reproche.»

Y'a-t-il eu une enquête parallèle place Beauvau?

Manuel Valls est également la cible d'accusations. Selon plusieurs médias, le ministre de l'Intérieur aurait demandé l'ouverture d'une enquête parallèle à l'enquête judiciaire afin d'identifier la voix de l'enregistrement fourni par Michel Gonelle, qui aurait débouché sur la rédaction d'une note.

Celle-ci a d'abord été évoquée le 27 mars par le Canard enchaîné puis cette semaine par Le Point. Remise fin décembre, elle affirmerait que la voix enregistrée serait bien celle de Jérôme Cahuzac.

«Nous n'avions pas les deux bandes son, l'une étant détenue par Michel Gonelle, l'autre par le juge Bruguière», a démenti Manuel Valls auprès de Libération.

Une autre rumeur cite un dossier sur l'ex-ministre du Budget qu'aurait détenu la DCRI avant même que Mediapart n'accuse Jérôme Cahuzac, raconte le Monde. Réponse de Manuel Valls:

«Je n'avais aucune information avant décembre, et je n'ai évidemment demandé à personne une enquête parallèle ou une expertise concernant cette affaire. Patrick Calvar [le directeur de la DCRI, ndlr] m'a affirmé qu'il n'y avait eu aucune initiative aujourd'hui ou hier venant de lui. Il n'y a rien dans les cartons de la DCRI.»

C. B.

cover
-
/
cover

Liste de lecture