France

Quand le jeune député Cahuzac pourfendait la fraude fiscale

Avant même d'être successivement nommé président de la commission des Finances de l'Assemblée, en 2010, puis ministre du Budget, en 2012, il intervenait déjà régulièrement sur le sujet.

REUTERS/Jacky Naegelen.
REUTERS/Jacky Naegelen.

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Jérôme Cahuzac doit être jugé devant le tribunal correctionnel de Paris à partir du lundi 8 février 2016 pour blanchiment de fraude fiscale. Nous republions à cette occasion cet article publié en avril 2013.

Depuis les aveux effectués par Jérôme Cahuzac, mardi 2 avril, la presse a ressorti les propos tenus dernièrement sur la fraude fiscale par celui qui fut, pendant neuf mois, ministre délégué au Budget. Libération note ainsi que «son bilan en matière de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales apparaît […] soudain douloureusement ironique», tant l’ancien occupant de Bercy s'était posé ces derniers mois «en adversaire résolu de ces pratiques, contribuant au durcissement de la législation», notamment à l’occasion de l’adoption de la troisième loi de finances rectificative pour 2012, qui a durci les sanctions.

Jérôme Cahuzac avait auparavant occupé pendant près de deux ans et demi la tête de la commission des Finances, où il avait succédé à son camarade Didier Migaud —ce qui lui avait par exemple valu de questionner sur les contrôles fiscaux le directeur général des finances publiques Philippe Parini.

Mais même auparavant, lors de ses années de «simple» député à l’Assemblée (1997-2002 puis 2007-2010), l’élu du Lot-et-Garonne avait été très actif sur les questions économiques et budgétaires, et donc parfois sur les questions de fraude fiscale, de blanchiment et de paradis fiscaux. Et ce, alors qu'il était déjà titulaire d'un compte en Suisse avant son élection puisque, selon le parquet de Genève, celui-ci a été ouvert en 1992.

«Singapour pourrait-il faire partie de la liste?»

Le 22 juillet 2009, la commission des Finances entend ainsi le ministre du Budget Eric Woerth sur les moyens de lutte contre les paradis fiscaux. Jérôme Cahuzac intervient alors pour faire part de son «sentiment mitigé» sur les résultats obtenus ces dernières années, et s’interroge au passage sur l’attitude de Bercy, prêt à négocier avec les évadés fiscaux repentis, tout en étant d’avis de distinguer parmi eux entre «les héritiers, les expatriés et les fraudeurs actifs».

Le 16 novembre de la même année, le député du Lot-et-Garonne interpelle la ministre de l'Economie Christine Lagarde et Eric Woerth, venus en commission présenter un projet de loi de finances rectificative contenant notamment des mesures sur les paradis fiscaux:

«En ce qui concerne les paradis fiscaux, le gouvernement a beaucoup communiqué cet été au sujet d’une liste de 3.000 noms qu’il détiendrait [la "liste Falciani", transmise par un ancien employé de la banque HSBC, NDLR]; 3.000 procédures ont-elles été engagées? Sinon, pourquoi?

Vous avez également vanté l’efficacité de ce que vous aviez appelé la "cellule de dégrisement" [permettant aux évadés fiscaux de régulariser leur situation, NDLR]. Quel en est le bilan?

Notre pays va bientôt dresser une liste d’Etats non coopératifs. En fonction des informations dont vous disposez et des négociations en cours, estimez-vous que Singapour ou l’Etat du Delaware pourraient faire partie de cette liste?»

Selon les déclarations de ses avocats, c'est justement cette même année 2009 que l'élu a fait transférer à Singapour son compte suisse, titulaire d'environ 600.000 euros.

«Se concentrer sur la très grande fraude»

Dix ans plus tôt, sous le gouvernement Jospin, le néo-député Cahuzac s’était déjà montré actif sur ces questions. Le 8 septembre 1999, à l’occasion de la présentation en commission des Finances d’un rapport du député PCF Jean-Pierre Brard sur la fraude et l’évasion fiscale, le compte-rendu de la réunion précise que «M. Jérôme Cahuzac a […] jugé préférable de se concentrer sur la très grande fraude, ne serait-ce que du point de vue de la rentabilité des actions engagées».

Le député va ensuite présenter en discussion budgétaire deux amendements visant à imposer aux contribuables victimes d’un redressement supérieur à 2 million de francs (300.000 euros environ) la charge de la preuve, devant un tribunal, que ces sommes n’avaient pas été frauduleusement acquises. L’amendement sera finalement retiré devant les objections du gouvernement concernant la présomption d’innocence. Au cours de cette séance, Jean-Pierre Brard, cosignataire de l’amendement avec Jérôme Cahuzac, lance:

«Quant au niveau de la fraude, c'est là où mon collègue M. Cahuzac intervient...»

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