France / Politique

Législatives des Français de l'étranger: la vague rose traverse les frontières

«Tout pour la droite», s'indignait un député PS fin 2009: au final, la création de circonscriptions des Français de l’étranger aura profité à la gauche et à ses candidats mieux implantés.

Un expatrié français attend de voter à la présidentielle, le 22 avril 2012 à Sydney, en Australie. REUTERS/Daniel Munoz.
Un expatrié français attend de voter à la présidentielle, le 22 avril 2012 à Sydney, en Australie. REUTERS/Daniel Munoz.

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Tout pour la gauche, ou presque. Huit des onze nouvelles circonscriptions législatives des Français de l’étranger sont allées à la gauche (sept au PS, une au candidat EELV soutenu par le PS), là où, fin 2011, le sénateur PS des Français de l’étranger Richard Yung nous disait espérer obtenir «quatre ou cinq circonscriptions».

Un résultat d’autant plus étonnant qu’à la présidentielle 2012, les résultats ont été inverses: huit circonscriptions sur onze ont préféré Nicolas Sarkozy à François Hollande au second tour, et les Français de l’étranger ont voté presque 5 points plus à droite que l'ensemble des Français (53,05% pour Nicolas Sarkozy, contre 48,37% en France).

Chiffres: Slate.fr, à partir des résultats du ministère de l'Intérieur et du Quai d'Orsay. Infographie: Fred Hasselot. Cliquer pour voir l'infographie en plus grand.

Le décalage est on ne peut plus flagrant dans la 8e circonscription (Italie, Grèce, Turquie, Chypre, Israël): ses électeurs ont donné le pire score des Français de l’étranger à François Hollande, avec seulement 37,1% des voix, et le troisième meilleur score au PS aux législatives, avec 55,9% des voix pour sa candidate Daphna Poznanski-Benhamou.

Comment l’UMP a-t-elle perdu pied chez les Français de l’étranger?

1. Des parachutages mitigés

L’UMP avait investi quatre parachutés célèbres chez les Français de l'étranger: trois anciens ministres (Frédéric Lefebvre, Thierry Mariani, Marie-Anne Montchamp), et l’ancien juge antiterroriste Alain Marsaud.

Deux de ces parachutages ont fonctionné, avec les victoires de Thierry Mariani dans la 11e circonscription et d’Alain Marsaud dans la 10e. Ce sont deux des circonscriptions où Nicolas Sarkozy avait fait le meilleur score au second tour de la présidentielle.

C’est raté en revanche pour l’ancienne secrétaire d’Etat auprès de la ministre de la Cohésion sociale Marie-Anne Montchamp, qui n’a récolté que 46,8% des voix face au socialiste Philip Cordery.

Mais le plus gros ratage revient au plus célèbre des parachutés, l’ancien secrétaire d’Etat au commerce et porte-parole du gouvernement Frédéric Lefebvre, qui a fait 46% contre 54% pour son opposante socialiste Corinne Narassiguin.

Sa circonscription avait beau avoir voté à 53,6% pour Nicolas Sarkozy à la présidentielle, sa candidature aura finalement été trop peu acceptée pour que son étiquette UMP lui serve. Frédéric Lefebvre a dû faire face au premier tour à des dissidents puissants: à eux trois, Emile Servan-Schreiber, Julien Balkany (le demi-frère de Patrick Balkany), et Antoine Treuille (oncle de Nathalie Kosciusko-Morizet), ont récolté plus de 18,5% des voix (23,5%) si on y ajoute celles de la candidate affiliée au MoDem Carole Granade).

Après avoir twitté qu’avec «le soutien total de tous les candidats de la droite, Frédéric Lefebvre avait un devoir de victoire» (les différents dissidents ont appelé à voter pour lui au second tour), Julien Balkany a conclu que «les francais d'Amérique du Nord ont préféré la légitimité de terrain à l’étiquette politique», et précisé auprès du site French Morning que «les électeurs qui avaient voté à droite il y a un mois ont rejeté le candidat, pas le parti qu’il représentait». Antoine Treuille a souligné le rejet d’une «certaine image de la France, arrogante, qui était incarnée par M. Lefebvre», et qualifié la campagne du candidat UMP de démagogue et ignorante du terrain.

Même analyse du côté du PS. Dans une interview à France Amérique, Corinne Narassiguin a attribué l’ampleur de sa victoire à «une démobilisation de l’électorat de droite», un clair «rejet du parachutage», et conclu:

«Frédéric Lefebvre a lui mené une mauvaise campagne, à côté de la plaque. C’est ça qu’il paie aujourd’hui.»

2. Le redécoupage, ça marche… si les gens votent

Une des critiques du PS contre l’UMP au moment de la réforme créant des députés des Français de l’étranger visait le découpage des circonscriptions, jugée baroque par la gauche: la très aisée Monaco rattachée à l'Espagne plutôt qu'à l'Italie, celle-ci se voyant adjointe Israël... Le député Jean Mallot leur avait même trouvé un nom de code, «TPLD»: tout pour la droite!

Les prévisions réalisées à l'époque à partir des résultats de la présidentielle donnaient neuf sièges à la majorité et deux à l'opposition. Elles se sont ensuite rééquilibrées, un expert électoral interrogé par Le Figaro fin 2011 prédisant par exemple cinq sièges pour la gauche.

Au final, elle en récolte donc huit. C’est que découper des circonscriptions plus ou moins favorable à votre parti ne fonctionne que si les électeurs de ces circonscriptions vont voter.

Prenons la 8e circonscription, par exemple, où l’UMP s’est pris sa plus grosse claque. Elle réunit l’Italie, la Turquie, Malte, Chypre, la Grèce et Israël. Israël a voté à 92% pour Nicolas Sarkozy en 2012 (91% en 2007), mais seuls 7% des électeurs du pays se sont rendus aux urnes pour le second tour des législatives, là où 19 à 24% des électeurs des autres pays sont allés voter. Ajoutez à cela le soutien à la candidate socialiste du dissident de droite Philippe Karsenty et ses 14% des voix, et voilà le résultat.

Les électeurs de Monaco se sont eux mobilisés bien plus que le reste de leur circonscription, avec un taux de participation de 23,4%, le deuxième le plus élevé de la 5e circonscription. Mais ces 23%, qui se sont portés à 82% sur la candidate UMP Laurence Saillet, ne représentaient que 1.025 votants. Les 20,6% de Français expatriés en Espagne représentaient treize fois plus d’électeurs, qui ont voté en grande majorité pour le PS.

Cécile Dehesdin

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