France / Politique

Un gouvernement paritaire et élargi

Des femmes, des ex-royalistes, des non-socialistes...

Jean-Marc Ayrault, Najat Vallaud-Belkacem, Pierre Moscovici, Aurélie Filipetti, Delphine Batho et Marisol Touraine, en novembre 2011. REUTERS/Benoit Tessier
Jean-Marc Ayrault, Najat Vallaud-Belkacem, Pierre Moscovici, Aurélie Filipetti, Delphine Batho et Marisol Touraine, en novembre 2011. REUTERS/Benoit Tessier

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François Hollande avait promis à plusieurs reprises au cours de sa campagne qu’il formerait un gouvernement composé d’autant de femmes que d’hommes, un engagement qui figurait même parmi ses 60 propositions. Cette règle a sans doute rendu la tâche plus compliquée, mais le nouveau président s’y est tenu: son premier gouvernement, annoncé mercredi 16 mai, est composé de 17 femmes et de 17 hommes.

En affirmant que la parité «ne veut pas dire que les responsabilités seraient les mêmes», François Hollande avait déclenché la colère de certaines associations féministes et fait naître des doutes sur la pertinence de cette mesure. A première vue, les femmes ne sont pas sous-représentées dans les postes plus importants puisque là encore, elles sont aussi nombreuses que les hommes parmi les ministres (9) et les ministres délégués (8). Mais derrière cette parité numérique se cache une inégalité: Christiane Taubira est la seule femme à hériter d’un portefeuille régalien, celui de la Justice.

Autre grande inconnue avant l’annonce officielle, la taille du gouvernement. Contrairement à Nicolas Sarkozy en 2007, qui avait promis de se limiter à 15 ministres, François Hollande s'est bien gardé de donner un chiffre précis, sans doute pour ne pas trahir ses promesses. Nicolas Sarkozy a fini son quinquennat avec 33 membres de gouvernement, le nouveau président commence le sien avec 34 ministres.

On ne retrouve aucun membre de la société civile dans ce qui sera donc le premier «gouvernement Ayrault». Là encore, François Hollande est cohérent avec ses déclarations de campagne. Interrogé sur l’éventualité de nommer Anne Lauvergeon ministre en cas de victoire, il avait affirmé que «les personnalités issues de la société civile, aussi talentueuses soient-elles, ont eu souvent des difficultés pour accéder aux fonctions politiques».

Pour le reste, différents types de profils sont présents, des éléphants aux ralliés en passant par les hollandistes historiques et les nouvelles têtes que le grand public va apprendre à connaître:

Les poids lourds

Ce sera sans Martine Aubry. La première secrétaire du PS, adversaire malheureuse de François Hollande lors de la primaire socialiste, a annoncé elle-même que sa «présence au gouvernement n'aurait pas de sens» dans la configuration choisie avec Jean-Marc Ayrault comme Premier ministre. En revanche, Hollande a décidé de recruter dans le cimetière des éléphants en s’entourant de Laurent Fabius, qui prend sans surprise le Quai d’Orsay.

Les hollandistes historiques

Ami de trente ans du président, Michel Sapin est nommé ministre de l’Emploi, du travail et du dialogue social. Le président de la région Bretagne et autre ami de longue date Jean-Yves Le Drian arrive lui à la Défense, où il était attendu compte tenu de son parcours (ancien maire de Lorient, grand port de guerre, membre assidu de la commission de la Défense à l’Assemblée nationale et chargé de préparer une nouvelle politique de la défense pendant la campagne). Le fidèle Stéphane Le Foll, responsable de l’organisation de la campagne présidentielle de François Hollande et ancien directeur de cabinet lorsque ce dernier était à la tête du PS de 1997 à 2008, devient ministre de l’Agriculture et de l’agroalimentaire, là encore sans grande surprise.

Bernard Cazeneuve, fabiusien historique mais aussi ami de François Hollande, devient ministre délégué chargé des Affaires européennes. Autre proche de l’ancien Premier secrétaire du PS, le député-maire de Boulogne-sur-Mer Frédéric Cuvillier est nommé ministre délégué aux Transports et à l’économie maritime. Ancien numéro 3 du PS, le député européen Kader Arif est nommé ministre chargé des Anciens combattants. Chez les hollandistes plus récents, on retrouve la sénatrice Nicole Bricq, soutien de François Hollande depuis 2009, qui prend en charge le ministère de l'Ecologie, de l’énergie et du développement durable.

Les ralliés et proches des ralliés

Les strauss-kahniens - Plus belle prise strauss-kahnienne de Hollande à l’été 2011, Pierre Moscovici est nommé ministre de l’Economie, des Finances et du commerce extérieur, poste de première importance pour celui qui convoitait Matignon... Discret tout au long de la campagne, l’ex-lieutenant de Ségolène Royal, Vincent Peillon, a lui aussi soutenu François Hollande dès juillet 2011. Il est nommé ministre de l’Education nationale, grande priorité du programme du président.

Candidat à la primaire et incarnant l’aile droite du Parti socialiste, le fringant Manuel Valls prend le ministère de l’Intérieur. Supporter de DSK, le maire d’Evry s’était présenté à la primaire après la mise hors-jeu de l’ancien directeur du FMI. Valls avait été le premier des candidats à rallier François Hollande après avoir recueilli 6% des voix.

Alors que le président de la Commission des finances Jérôme Cahuzac, autre proche de DSK, qui a pris le parti d’Hollande dès juillet 2011, devient ministre délégué chargé du Budget, Marisol Touraine (encore une strauss-kahnienne) arrive aux Affaires sociales et à la Santé.

Autre rallié de l’entre-deux-tours de la primaire, le démondialisateur Arnaud Montebourg qui a fait campagne sur la réindustrialisation, est nommé ministre du Redressement productif.

Les royalistes - Najat Vallaud-Belkacem, proche de Ségolène Royal, est nommée ministre des Droits des femmes et porte-parole du gouvernement. Un rôle qu’elle a occupé avec succès dans l’équipe de campagne du candidat Hollande. Delphine Batho, ministre déléguée à la Justice, est une autre royaliste ralliée à la candidature Hollande dont elle a été elle aussi la porte-parole de campagne. La mandataire de la campagne de Ségolène Royal en 2007, Dominique Bertinotti, est nommée ministre déléguée à la Famille.

Ayant tous deux soutenu Ségolène Royal en 2007 mais François Hollande en 2012, Aurélie Filippetti et Victorin Lurel prennent respectivement les rênes du ministère de la Culture et de la communication et du ministère des Outre-Mers.

Les aubrystes - Du côté des aubrystes, le bras droit de la maire de Lille François Lamy est nommé ministre délégué auprès de la ministre de l’Egalité des territoires et du logement, chargé de la Ville, Marylise Lebranchu ministre de la Réforme de l’Etat et de la Décentralisation. Le porte-parole du PS et animateur de l’aile gauche du parti Benoît Hamon devient ministre délégué chargé de l’Economie sociale et solidaire. Valérie Fourneyron succède à David Douillet au poste de ministre des Sports dans un pôle regroupant également la Jeunesse, l'Education populaire et la Vie associative.

Les nouvelles têtes

Chargée de l’économie numérique dans la campagne de François Hollande, la jeune conseillère à la Cour des comptes Fleur Pellerin est nommée ministre déléguée aux PME, à l’Innovation et à l'Economie numérique. Geneviève Fioraso, députée, adjointe au maire de Grenoble et depuis 2004 PDG d’un centre européen sur les micro et nanotechnologies, hérite du ministère de l’Enseignement supérieur.

Ancien secrétaire national du PS au travail et à l'emploi, Alain Vidalies, député chevronné des Landes (quatre mandats) et spécialiste du droit du travail, est nommé ministre délégué aux Relations avec le Parlement, tandis que la cancérologue Michèle Delaunay devient est ministre déléguée chargée des Personnes âgées et de la dépendance.

Soutien de François Hollande durant la primaire, la députée de Paris George Pau-Langevin est nommée ministre déléguée à la Réussite éducative. Marie-Arlette Carlotti (conseillère générale des Bouches-du-Rhône et conseillère régionale Paca) intègre le gouvernement comme ministre déléguée aux Personnes handicapées.

Les non-socialistes

Christiane Taubira, la candidate du Parti radical de gauche en 2002, est nommée Garde des Sceaux. Côté écologistes, la secrétaire nationale d’Europe Ecologie-Les Verts Cécile Duflot est nommée ministre de l'Égalité des territoires et du Logement, tandis que Pascal Canfin, conseiller économique d'Eva Joly pendant la campagne présidentielle de 2012, devient ministre délégué en charge du développement. Sylvia Pinel, radicale de gauche, représentante des candidats à la primaire dans l'équipe présidentielle de Hollande, devient ministre déléguée chargée de l'Artisanat, du commerce et du tourisme.

Jean-Laurent Cassely et Grégoire Fleurot

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