France / Politique

Nicolas Sarkozy, l'incompris

OK ok, on n’ira pas jusqu’à regretter Sarkozy, mais l’histoire lui trouvera peut-être quelques circonstances atténuantes.

Nicolas Sarkozy, le 6 mai 2012. REUTERS/Philippe Wojazer
Nicolas Sarkozy, le 6 mai 2012. REUTERS/Philippe Wojazer

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En 1965, Gilbert Bécaud, qui était un peu le Johnny de l’époque ―enfin Johnny était aussi le Johnny de l’époque, mais ne me cassez pas mon effet―, craignant de voir de Gaulle blackboulé par un peuple de gauche aussi oublieux qu’ingrat, s’était fendu d’une chanson-hommage à son idole, Tu le regretteras:

C’était sa façon à lui d’expliquer que, tout de même, un omniprésident qui lance une réforme majeure tous les matins et extirpe les enkystés de leur zone de confort, ça ne se trouve pas sous le sabot d’un canasson de la garde républicaine…

Nicolas Sarkozy, qui n’a ni organisé la résistance à l’occupant, ni initié la décolonisation, ni métamorphosé une démocratie parlementaire instable et bordélique en un régime hybride à peu près civilisé, aura tout de même initié deux-trois broutilles, de l’allongement des carrières à la modernisation des facs, qu’on aurait mauvaise grâce à balayer d’un revers de manche.

C’est sûr, l’heure n’est vraiment pas aux regrets –ce serait même tout le contraire, et le personnage était suffisamment clivant et agaçant pour qu’on lui préfère un ex-gros spécialiste du compromis― mais il est parfois bon de ne pas s’inquiéter d’être dans le bon timing.

Les premiers à verser une larme en voyant le couple Sarkozy-Bruni quitter l’Elysée par la petite porte, paradoxalement, seront sans doute ses pires ennemis officiels, les rédactions de Médiapart ou de Marianne, dont il était plus ou moins la seule raison de vivre. J'en vois bien certains jouer les Javert et poursuivre Nicolas Valjean jusqu’à la fin des temps envers et contre tout, mais il n’est pas certain qu’ils le fassent avec autant de lecteurs que par le passé.

Le Sarko-bashing était d’ailleurs devenu, ces dernières années, une telle rente pour une presse moutonnière et conformiste qu’il lui sera difficile de trouver autre chose (abstraction faite de ce «Hollando-praising» qui horripile déjà et dont on espère qu’il sera de courte durée).

Bah, peut-être se remettra-t-elle à publier de l’info à peu près impartiale, ce qui ne serait pas plus mal... Elle aura d’ailleurs au moins appris à faire du «fact checking» pendant ce quinquennat, une pratique anglo-saxonne tellement exotique qu’il reste à lui trouver une traduction française.

L’heure n’est pas aux regrets donc, mais peut-être sera-t-elle bientôt au réexamen dépassionné de ce à quoi aura servi cette présidence. On réalisera alors qu’entre deux grotesqueries type «j’installe mon fiston analphabète à la tête de l’Epad», entre deux crapuleries façon «je passe les Roms au nettoyeur haute-pression», la France aura tenu son rang en Géorgie et en Libye, contribué à sortir l’Europe d’une bonne demi-douzaine d’ornières et amorcé pas mal des réformes structurelles dont elle avait désespérément besoin.

Et de Hollande assis au grand bureau surmonté d’un téléphone rouge pour bipper Obama et Merkel, qu’espère-t-on? Mais exactement la même chose avec juste un peu moins d’esprit partisan ou de flamboyance, voire un poil plus de subtilité et de sens du collectif. Et ça, ça sera déjà pas mal.

Hugues Serraf

 

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