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MARDI MATIN, SUR RTL, FRANÇOIS BAYROU a menacé de saisir le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et le Conseil d’Etat si aucun débat entre tous les candidats à la présidentielle n’était organisé sur les chaînes publiques. L’annonce surprend, mais le scénario est possible.
Première étape: le CSA. Quelques heures seulement après l’annonce du candidat du Modem, Christine Kelly (membre du Conseil depuis 2009) s’est empressée de rejeter la responsabilité sur les chaînes de télévision. Selon elle, le CSA a effectivement pour devoir de s’assurer que tous les candidats sont reçus et disposent du même temps de parole, mais il ne peut en aucun cas s’ingérer dans leur ligne éditoriale.
S’il était saisi, le CSA choisirait donc visiblement de ne pas forcer la télévision publique à organiser un tel débat. François Bayrou pourrait-il alors contester cette décision auprès du Conseil d’Etat?
Oui, si l’on se réfère au domaine de compétences du Conseil. Celui-ci peut entre autres être saisi dans le cadre d’«une décision d’une des autorités de contrôle ou de régulation énumérées par le 4° de l’article R. 311-1 du code de justice administrative». Or, dans cet article, le CSA est effectivement mentionné parmi les autorités administratives dont les décisions peuvent être remises en cause auprès du Conseil d’Etat.
Quels seraient les arguments de François Bayrou?
Le député du Béarn peut donc aller jusqu’au bout de sa logique, reste à déterminer les arguments sur lesquels il pourrait s'appuyer. Au CSA comme au Conseil d’Etat, on a du mal à imaginer la manière dont le candidat Modem pourrait formuler sa requête.
Pour Martine Cliquennois, maître de conférence en droit administratif à l’université de Lille 2, il existe «deux niveaux» sur lesquels François Bayrou pourrait agir.
Le premier est la loi Léotard de 1986, qui définit les compétences du CSA. On peut notamment y lire, article 16:
«Le Conseil supérieur de l'audiovisuel fixe les règles concernant les conditions de production, de programmation et de diffusion des émissions relatives aux campagnes électorales que les sociétés mentionnées à l'article 44 [dont France Télévisions] sont tenues de produire et de programmer.»
Comme le faisait remarquer Christine Kelly, il n’est fait mention nulle part du contenu de ces programmes.
Second levier possible, la Constitution. «S’il veut faire un recours, il faut qu’il le fonde sur des principes extrêmement généraux comme la liberté d’expression», estime Martine Cliquennois. Le président du Modem pourrait alors utiliser la procédure du «référé-liberté», qui oblige le Conseil d’Etat à rendre une décision dans les 48 heures si «une liberté fondamentale est en cause». A charge pour les juges de dire si l’absence de débat entre les dix candidats représente une atteinte à une liberté fondamentale (ici, la liberté d'expression).
A défaut d’une telle procédure d’urgence, il y a peu de chances pour que François Bayrou obtienne une réponse avant le premier tour, reconnaît-on au CSA comme au Conseil d’Etat. Au lieu d’un grand oral collectif, il devra donc sans doute se contenter des deux débats annoncés par France 2, François Hollande d’un côté, Nicolas Sarkozy de l’autre.
O. C.