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Jean-Luc Mélenchon et les conflits d'intérêt

Le candidat du Front de gauche est favorable à la lutte contre les conflits d'intérêts, mais s'élève contre l'«exigence névrotique» de transparence.

Jean-Luc Mélenchon à Saint Herblain le 14 janvier 2012, REUTERS/Stephane Mahe
Jean-Luc Mélenchon à Saint Herblain le 14 janvier 2012, REUTERS/Stephane Mahe

Temps de lecture: 3 minutes

Slate.fr a pris le relais de l'ONG Transparence International France en sollicitant les candidats à l'élection présidentielle pour qu’ils publient leur déclaration d’intérêts, un document qui permet de s’assurer que, dans le cadre d’une décision publique, des intérêts personnels n’interviennent pas pour fausser l’impartialité des décideurs. Si une telle situation se présente, elle est détectée grâce à la déclaration d’intérêts et la personne concernée doit s’abstenir de participer à la décision. La publication d’un tel document permet aussi de protéger les décideurs publics contre les soupçons d’un mélange des genres.

Nous avons réalisé une fiche pour chacun des candidats regroupant leurs opinions sur la question de la lutte contre les conflits d'intérêts, leur déclaration (quand elle a été envoyée) et ce qu'ils ont «oublié» de déclarer. Envoyez-nous toute information sur des intérêts que nous aurions omis dans cette fiche à infos @ slate.fr.

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Sa fiche Wikipol 

 

Ce que Jean-Luc Mélenchon a dit sur les conflits d'intérêts

Interrogé par Transparence international France, Jean-Luc Mélenchon s’est prononcé en faveur d’un contrôle accru des conflits d’intérêts potentiels des dirigeants:

«Afin de combattre la domination d’intérêts particuliers sur la puissance publique, nous ferons adopter une loi révisant les régimes d’incompatibilité s’appliquant aux responsables exerçant des fonctions publiques, électives ou non, ainsi qu’aux membres du gouvernement, pour mieux prévenir en amont l’occurrence d’un conflit d’intérêt (par exemple, un membre du gouvernement ne peut être trésorier d’une organisation politique).

Les élus et responsables de la haute fonction publique devront, à leur entrée en fonction, faire une déclaration de leurs activités susceptibles de créer un conflit d’intérêt avec le mandat public exercé. Il conviendra de prévoir que l’absence de déclaration ou la fausse déclaration soit sanctionnée afin de permettre l’effectivité de ce principe. De même, il faudra effectuer un contrôle du passage entre privé et public, notamment pour les dirigeants de grandes entreprises qui risquent d’utiliser l’Etat au service de leur société.

A cet égard, le rapport Sauvé a fait des propositions détaillées mais insuffisantes, notamment en excluant les parlementaires et autres élus de sa réflexion. Il est à déplorer que ce rapport reste pour le moment lettre morte: le projet de loi élaboré par le ministre de la Fonction publique, en net retrait par rapport aux propositions du rapport, n’a pas été inscrit à l’ordre du jour, montrant la valeur toute relative de cette “priorité” pour le gouvernement actuel, malgré les promesses faites à cet égard en plein cœur de la tourmente de l’affaire Bettencourt.»

En outre, dans une interview accordée au quotidien la Croix, Jean-Luc Mélenchon assurait ne pas avoir de difficultés avec la déclaration obligatoire de patrimoine de la part des ministres et des hauts fonctionnaires. Ajoutant «être favorable à 100% au contrôle du patrimoine des élus par un organisme indépendant». Il a néanmoins précisé ne pas souhaiter que cette déclaration soit rendue publique. «La transparence ne doit pas être une exigence névrotique», a justifié celui qui ne se considère pas comme «un homme public, mais un homme privé qui a des activités publiques».

Sa déclaration d'intérêts

«Il conviendra de prévoir que l’absence de déclaration ou la fausse déclaration soit sanctionnée afin de permettre l’effectivité de ce principe», déclarait le candidat du Front de Gauche à La Croix. Malgré cet enthousiasme affiché, Jean-Luc Mélenchon n'a pas donné suite à nos demandes et n'a donc pas rempli sa  déclaration d'intérêts.

Ce qu'il n'a pas déclaré

Le candidat du Front de gauche n’est, à notre connaissance, rémunéré par aucune entreprise et ne détient des parts dans aucune organisation.

Celui qui déclarait avoir «plus d'argent que n'en a jamais eu aucun membre de (s)a famille», a donc construit son patrimoine grâce à l’argent provenant de ses activités politiques (il a été, entre autres, ministre, conseiller général puis sénateur de l’Essonne). Aujourd’hui, il vit de son salaire d’eurodéputé (6.200,72 net par mois). Dans une déclaration d’intérêt obligatoire remplie dans le cadre de son mandat de député européen, il précisait également toucher des droits d’auteurs issus de la vente de ses livres. Ces droits d’auteurs sont, selon lui, reversés à l’association Politique à gauche, gérée par son directeur de cabinet, Laurent Maffeis, association qui finance ses activités politiques (son blog, ses déplacements et ses bureaux).

Le candidat du Front de gauche est infiniment discret sur sa vie privée. On sait juste que sa fille, Maryline Mélenchon, travaille au conseil général de l’Essonne [1]. Le compagnon de Maryline, Gabriel Amar, est lui secrétaire national du Parti de gauche (le parti créé par Mélenchon). Il est également président de la communauté d’agglomération Les lacs de L’Essonne et du conseil d’exploitation de la régie publique Eau des lacs de l’Essonne. Fidèle parmi les fidèles, il a suivi Jean-Luc Mélenchon quand celui-ci a quitté le PS. Grâce à sa fille et à son compagnon, Jean-Luc Mélenchon entretient son ancrage politique dans l’Essonne, où il a été élu pendant plus de vingt ans.

Seule son appartenance à la loge maçonnique du Grand Orient est susceptible de créer des conflits d’intérêts, mais elle n'a pas à proprement parler sa place dans une déclaration d'intérêts. Dans, Le Plébéien, la biographie qui lui est consacrée, un ancien membre de son cabinet ministériel laisse en effet entendre que les réseaux maçons auraient pu l’aider indirectement à gagner des élections.

Emmanuel Daniel

Nos autres fiches-candidats sur les conflits d'intérêt:

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[1] Le Plébéien de Lilian Alemagna et Stéphane Alliès. Retourner à l'article

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