Économie

Apple, la grosse pomme face à des actionnaires gourmands

Si la firme ne domine plus aussi outrageusement les nouvelles technologies, la montagne de cash sur laquelle elle est assise aiguise l’appétit du financier Carl Icahn. Ce qui n'est pas forcément une bonne nouvelle...

Le PDG d'Apple Tim Cook, le 10 juin 2013 à San Francisco. REUTERS/Stephen Lam.
Le PDG d'Apple Tim Cook, le 10 juin 2013 à San Francisco. REUTERS/Stephen Lam.

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C'était il y a presque un an: le 19 septembre 2012, le titre Apple battait un nouveau record en Bourse, à plus de 705 dollars (près de 530 euros). Exactement sept mois plus tard, il était retombé à 385,10 dollars; actuellement, il évolue autour de 500 dollars. Malgré la vive remontée enregistrée cet été, un investisseur qui l’aurait acheté il y a un an serait encore perdant de près de 25%.

Les ventes ne progressent plus: le chiffre d’affaires du deuxième trimestre de cette année dépasse de peu (300 millions!) celui du même trimestre de 2012, à 35,3 milliards de dollars, et le bénéfice est en recul de 22% sur la même période. Les derniers classements montrent un recul de sa part du marché mondial des smartphones, au-dessous de 14%, tandis que celle de Samsung continue de progresser, autour de 33%.

L’industriel sud-coréen, de plus en plus confiant dans sa capacité à innover, a fait savoir qu’il ferait connaître ses nouveaux produits en septembre, quelques jours avant le groupe californien et, signe des temps, le film de Joshua Michael Stern consacré à Steve Jobs, le fondateur mythique d’Apple, est loin d’avoir rencontré aux Etats-Unis le succès escompté par son producteur.

147 milliards de dollars de liquidités

Pourtant, la récente remontée du titre l’atteste, la société intéresse beaucoup les financiers. Pour au moins deux raisons.

D’abord, il est un peu trop tôt pour enterrer Apple: même si son image est aujourd’hui un peu moins brillante, elle reste la société qui vaut le plus cher en Bourse au monde (autour de 455 milliards de dollars) et ses produits restent parmi ceux qui attirent le plus les consommateurs désireux d’être à la pointe de l’innovation.

Ensuite, le groupe a amassé pour 147 milliards de dollars de liquidités, qui lui permettent de voir l’avenir avec une certaine sérénité. Certes, cet argent n’est pas vraiment disponible: il est situé pour l’essentiel dans des paradis fiscaux et les dirigeants d’Apple ne sont pas disposés à le rapatrier.

Il n’empêche que l’existence de ce trésor suscite des convoitises et, à défaut de verser un dividende plus élevé à ses actionnaires, le président Tim Cook a dû promettre de porter son programme de rachat d’actions de 10 à 60 milliards d’ici à 2015. Les actionnaires aiment bien ces programmes: même si le bénéfice total ne progresse plus, ils assurent mécaniquement un bénéfice par action plus élevé.

Mais cette promesse ne suffit pas. Le financier Carl Icahn, connu pour son activisme, autrement dit pour sa capacité à obtenir des rendements élevés dans les entreprises dont il est actionnaire, a fait savoir qu’il détenait maintenant un paquet significatif d’actions Apple (sans dire exactement combien) et qu’il voulait que le plan de rachat d’actions soit porté à 150 milliards de dollars.

Que la trésorerie reste à l’étranger, cela ne pose pas de problème: Apple pourrait facilement emprunter ces 150 milliards! Carl Icahn et Tim Cook devraient se rencontrer et en discuter en ce mois de septembre.

Dell aussi dans le collimateur

Le financier est occupé par ailleurs à discuter avec Michael Dell, patron de la firme du même nom. Du fait du recul des ventes de micro-ordinateurs, Dell ne va pas très bien et son fondateur voudrait bien la retirer de la Bourse de façon à avoir une complète liberté de manœuvre pour la réorganiser. Pour cela, il a proposé de racheter les actions à 13,65 dollars.

Carl Icahn a déjà obtenu que le prix soit porté à 13,75 dollars plus un dividende exceptionnel, mais il tente d’en obtenir encore davantage. Là encore, le mois de septembre devrait être décisif.

Au cours des derniers mois, on a vu fleurir les études montrant que ces actionnaires activistes obtiennent de bons résultats: en mettant ainsi la pression sur la direction, ils la forcent à arriver à une meilleure rentabilité des entreprises. Cette façon de voir les choses, très positive, comporte certainement une part de vérité: que des actionnaires influents n’approuvent pas systématiquement tout ce que fait la direction et cherchent à améliorer la gestion de l’entreprise peut être une bonne chose. Des changements de stratégie provoqués par un petit groupe d’actionnaires se sont révélés très favorables dans certains cas.

Mais, en l’occurrence, on voit mal ce que les entreprises Apple et Dell gagneraient à une victoire de Carl Icahn. Leur valeur boursière s’en trouverait certes relevée à court terme, mais, sur le fond, sur la capacité des deux firmes à rebondir et à relever le défi de la concurrence et de l’innovation, rien ne changerait. D’ailleurs, on peut supposer que c’est le dernier des soucis de Carl Icahn.

Gérard Horny

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