La fraude aux prestations d’aide sociale (RSA, APL, allocation adulte handicapé...) n’est pas une escroquerie. C’est ce qui ressort d’une décision rendue, vendredi 28 juin, par le Conseil constitutionnel et qui est quasiment passée inaperçue, même si elle a fait l’objet d’une brève dépêche AFP, d'une mention par le blog Le JO au café ou de tweets de l'avocat Maître Eolas.
Les Sages étaient saisis de l’article L.135-1 du code de l'action sociale et des familles, selon lequel «le fait de percevoir frauduleusement ou de tenter de percevoir frauduleusement des prestations au titre de l'aide sociale est puni des peines prévues par les articles 313-1, 313-7 et 313-8 du code pénal», qui répriment l’escroquerie: cinq ans d’emprisonnement et 375.000 euros d’amende.
Or, l’article 114-13 du code de la sécurité sociale punit lui la fraude ou la fausse déclaration aux prestations sociales d’une «simple» amende de 5.000 euros. Le Conseil constitutionnel a donc considéré que l’existence de deux peines aussi différentes pour des faits qualifiés de manière identique méconnaissait le principe d’égalité devant la loi et était contraire à la Constitution.
Houla, le Conseil constit' a rendu une décision qui risque d'être très mal comprise en abrogeant le délit de fraude aux prestations sociales
— Maitre Eolas (@Maitre_Eolas) June 28, 2013
Ce que sanctionne le CC, c'est la coexistence de deux délits de fraude couvrant les mêmes faits, l'un puni de 5000€ d'amende et l'autre…
— Maitre Eolas (@Maitre_Eolas) June 28, 2013
…puni des peines de l'escroquerie soit 5 ans et 375000€ d'amende. Le CC abroge le délit le + sévèrement puni.
— Maitre Eolas (@Maitre_Eolas) June 28, 2013
Cela n'empêche pas de poursuivre des fraudes sous la qualif d’escroquerie quand les fraude est organisée et complexe.
— Maitre Eolas (@Maitre_Eolas) June 28, 2013
Mais si c'est une simple fausse déclaration, c'est le délit de base à 5000 €. J'approuve cette décision.
— Maitre Eolas (@Maitre_Eolas) June 28, 2013
Les Sages avaient été saisi d'une QPC par l’antenne de Forbach de l'association Emmaüs, à qui il était reproché d’avoir perçu 60.000 euros par an au titre des aides au logement en produisant de fausses attestations de loyers. L'association jugeait que les peines prévues par l'article L.135-1 du code de l'action sociale méconnaissaient le principe de proportionnalité des peines, mais c'est le Conseil constitutionnel lui-même qui a soulevé le moyen de censure.
«Nous avons soulevé cette question concernant la perception frauduleuse d’allocations logement. Nous considérons qu’Emmaüs n’a pas fraudé, n’a rien caché ni maquillé. L’association a juste demandé si elle pouvait bénéficier d’allocations logement. Or, les services de l’Etat ont répondu oui et versé les allocations», expliquait Me Guy Engler, l’avocat d’Emmaüs, au Républicain Lorrain en février.
Dans le commentaire de la décision, le Conseil constitutionnel rappelle que «la fraude aux prestations sociales […] est évaluée à 2 à 3 milliards d’euros» par an et «fait l’objet d’une attention constante de la part du législateur, en particulier depuis une dizaine d’années».
En dehors de la restitution des sommes indûment perçues et d’une éventuelle amende, le fraudeur peut faire l’objet d’une pénalité décidée par l’organisme de sécurité sociale. Les amendes sont rares: le Conseil constitutionnel note qu’en 2009, seulement un peu plus de 7.500 plaintes ont été déposées sur le sujet, avec un taux de condamnations compris entre 40% et 50%.