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Découvrez la première Palme d'or de Jane Campion [VIDÉO]

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A Cannes, le club des réalisateurs doublement palmés ne comprend officiellement que des hommes: Francis Ford Coppola, Bille August, Emir Kusturica, Shohei Imamura, les frères Dardenne et Michael Haneke. Sauf si l'on tient compte de la Palme d'or du court-métrage: le seul réalisateur à avoir réalisé le doublé des deux prix est en effet Jane Campion, présidente du jury cette année.

En 1986, la Croisette découvre cette jeune réalisatrice néo-zélandaise de 32 ans à l'occasion de la projection de ses trois premiers courts-métrages, Peel/An Exercise in Discipline, Passionless Moments et A Girl's Own Story (aujourd'hui tous disponibles sur le DVD de Sweetie). Le jury prime le premier, réalisé quatre ans plus tôt par Campion durant son passage par l'Australian Film Television and Radio School –«Les gens de l'école ont détesté Peel quand ils ont vu le premier montage. Ils m'ont dit de ne pas m'embêter à le finir», racontera la cinéaste.

Un film à fleur de peau –celle des oranges qu'un petit garçon pèle dans la voiture familiale, dont il se fait chasser pour avoir jetés les déchets; celle des personnages filmés crûment, le plus souvent en gros plan, et qui s'invectivent huit minutes durant. «C'est un film sur des gens très durs qui ne se comprennent pas», expliquera la réalisatrice, qui s'était inspiré de l'histoire de ses trois acteurs principaux, issus de la même famille («A True Story/A True Family», note un carton).

Rendant compte du palmarès, Le Monde se félicite cette année-là de la «Palme d'or du court métrage pour l'Australienne [sic] Jane Campion –une des révélations de ce festival avec trois moyens métrages dont on espère qu'ils trouveront un distributeur». Cette révélation cannoise, on la doit au cinéphile Pierre Rissient, un des conseillers de la manifestation, comme le racontait Gilles Jacob à Paris-Match en 2009:

«Un jour, Pierre Rissient, qui était un formidable découvreur de talents, m'a montré trois courts-métrages d'une jeune cinéaste australienne, en fait néo-zélandaise. Il m'a dit: “C'est incroyable, il faut que vous en preniez un.” Je lui ai répliqué, totalement enthousiasmé, que je prenais les trois.»

«Cela venait de nulle part. Cannes. Je ne savais même pas vraiment ce que c'était», racontera la cinéaste, qui retraçait en 2009 ses échanges avec Pierre Rissient dans une interview filmée:

«Vous pouvez avoir les films.
– Oh, mais vous devez venir aussi.
– Je suis en train de prévoir mes vacances...
– Annulez-les!»

Le 19 mai 1986, Jane Campion n'est pourtant pas présente dans le Palais des Festivals pour assister au couronnement du Mission de Roland Joffé, et au sien:

«J'avais compris que je n'avais rien gagné parce que Pierre nous a emmené dîner en dehors de Cannes. Je pensais que c'était une façon de dire: "Ne vous inquiétez pas pour cela." Quand je suis revenue à Cannes, je marchais le long de la Croisette et j'ai croisé quelqu'un du festival du film d'Edimbourg qui m'a dit: "Où étais-tu? Tu as gagné la Palme d'or!"»

Il n'existe donc aucune image de Jane Campion recevant la Palme d'or cette année-là. Pas plus qu'en 1993, année où elle avait raté la cérémonie de clôture et la consécration de La Leçon de piano. Elle aura l'occasion de se rattraper cette année en remettant la récompense suprême.

Jean-Marie Pottier

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