Culture

«Game of Thrones»: ce que vous pouvez attendre de la saison 4

Même en temps de paix, c’est l’horreur à Westeros. Seul notre amour de la géniale série, dont la diffusion reprend dimanche et lundi, peut nous faire aimer la haine et les méchants. Article garanti sans spoilers.

Daenerys Targaryen, un des personnages centraux de la série. HBO
Daenerys Targaryen, un des personnages centraux de la série. HBO

Temps de lecture: 3 minutes

Si votre société s’écroulait, que toute autorité disparaissait, que vos voisins devenaient vos ennemis, vos amis des mercenaires, la bonté une faiblesse et la violence une nécessité, quel serait votre sort? Vous adapteriez-vous en devenant un meurtrier, ou vous feriez-vous tuer? Ce sont là les sinistres choix auxquels sont actuellement confrontés les personnages de Game of Thrones, la tentaculaire série de HBO basée sur les romans pas fantasy du tout de George R.R. Martin, et qui transforme un monde préindustriel en aventure post-apocalyptique.

L’épine dorsale de la quatrième saison, dont le premier épisode sera diffusé dimanche sur HBO [lundi en France sur OCS City], c’est la violence: la guerre souille tout le monde, y compris nous, les téléspectateurs. Notre idée de la normalité, comme celle de tous les habitants de Westeros, a été dévoyée.

Nous attendons un certain niveau de barbarie et de compromis moral. Les personnages qui nous inspirent de la sympathie sont ceux qui sont capables de temps en temps de retenir leur soif de sang. Les méchants excitent une haine réelle: jamais je n'ai autant souhaité la mort d'un personnage que celle de ce sociopathe pleurnicheur de Joffrey Baratheon (Jack Gleeson)—et ce n’est pourtant que le deuxième plus grand sadique psychotique de Games of Thrones.

Le résumé de la saison 3, en VOST anglais

Au début de la nouvelle saison, la guerre civile qui s’est abattue sur Westeros est temporairement «terminée» après les épouvantables événements du Mariage pourpre de la saison précédente, mais la paix reste un mirage, modeste propagande diffusée par Port-Réal. Les conséquences de la guerre sont suspendues au-dessus des têtes, telle une épée de Damoclès qui ne demande qu’à tomber.

Tant au niveau thématique que structurel, la nouvelle saison traite des ramifications exponentielles de la violence (Oberyn Martell, l’un des nouveaux personnages, vient à Port-Réal lors du mariage de Joffrey, chargé de se venger des Lannister pour ce qu’ils ont fait à sa sœur lors de la dernière guerre civile. Lorsqu’on prend les événements dans leur globalité, les quelques décennies de paix de l’ère Baratheon ne sont qu’une anomalie passagère dans une lutte dynastique permanente, une sorte de république de Weimar de Westeros).

Une fois que la paix et l’ordre volent en éclat, comment restaurer la société, la famille, les bases de la dignité humaine? Les dizaines de personnages de la série, éparpillés dans des pays imaginaires, n’ont pas de réponse.

La saison 4 s’inspire de la deuxième partie du troisième livre de la série de sept imaginée par George R.R. Martin, ce qui signifie que du point de vue de la narration, nous n’en sommes même pas à la moitié. Les acteurs et l’intrigue sont encore en train de se mettre en place.

Daenerys et ses dragons de plus en plus grands sont toujours de l’autre côté du monde, à flirter avec de beaux mercenaires et à conquérir des sociétés d’esclaves. Au nord, Jon Snow prépare le Mur à la guerre contre l’armée des Sauvageons, qui compte désormais des cannibales dans ses rangs. Arya et le Limier sont en pleine randonnée ultra-violente, avec de temps en temps un petit intervalle comique; Stannis sacrifie des gens au maître de la Lumière, et à Port-Réal, les Lannister en proie à des luttes intestines complotent et se jettent comme à leur habitude dans de sordides sexpositions [scènes sexuelles qui font avancer l’intrigue].

Le premier épisode de la nouvelle saison remet très vite à l’esprit que ce qui fait la grandeur de Game of Thrones est également une source de frustration. Game of Thrones construit des mondes et crée des personnages avec un niveau de détails encore inédit à la télévision (au point qu’il est impossible de prendre la série à mi-parcours). Série tournée dans une foule d’endroits lointains, avec apparemment des centaines, peut-être même des milliers de figurants, elle se déploie à une telle échelle que ses personnages, aussi puissants soient-ils, restent relatifs: ils sont toujours petits et à taille humaine.

À cause justement de cet ambitieux étalement, Game of Thrones ne fournit qu’occasionnellement un épisode satisfaisant par lui-même. Il se passe trop de choses, et la limite d’une heure est trop arbitraire. Sauf dans les épisodes consacrés à un événement sérieusement traumatisant, comme dans le Mariage pourpre ou La Nera, l’histoire fuit toujours dans tous les sens.

Dans le premier épisode de la saison, nous sommes ballotés de personnage en personnage, certains apparaissant trop brièvement et d’autres jusqu’à l’indigestion (je ne veux plus revoir Bran avant que ses visions ne débouchent sur quelque chose de concret). L’expérience idéale de visionnage de Game of Thrones serait une orgie d’une centaine d’épisodes d’affilée à regarder quand tout sera terminé.

Si comme moi vous n’en avez pas la patience, alors semaine après semaine vous devez vous accommoder d’une série dans laquelle chaque épisode est conçu sans tenir compte de votre satisfaction.

La nouvelle saison gagne en intensité au fil des épisodes, chaque horreur engendrant une atrocité nouvelle. Des personnages bien intentionnés feront de mauvais choix ou seront punis pour des crimes qu’ils n’ont pas commis. D’autres trop faibles pour se défendre seront manipulés, maltraités, enlevés. D’autres encore, pourtant capables de respect, se livreront à la vengeance, au viol, à la cruauté.

Alors que tant de ses personnages ne cessent de déchoir dans la boue et le sordide, dans la souillure de la violence absolue, Game of Thrones a ce pouvoir si particulier de nous les faire aimer quand même. Game of Thrones nous apprend à traquer ne serait-ce que la plus petite lueur aux confins de la pénombre.

Willa Paskin

Traduit par Bérengère Viennot

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