Culture

Le film de Bonello sur Yves Saint Laurent empêché de toutes parts

Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur Mediapart

Le film de Bertrand Bonello sur Yves Saint Laurent (Saint Laurent), projet concurrent du biopic avec Pierre Niney déjà sorti, connaît décidément bien des obstacles. Auprès de Médiapart, le réalisateur s'exclame:

«Toute l’histoire de ce film a été compliquée. Il y a eu beaucoup d’interventions. Je n’étais pas au courant de celle-ci. (...) Je suis abasourdi.»

«Celle-ci», c'est celle de Xavier Couture, conseiller spécial de Stéphane Richard, président d'Orange. Il a, selon Mediapart, tenté de faire interrompre le financement que la filiale cinéma d'Orange devait apporter au film parce que ce film de Bonello déplaisait à Pierre Bergé, ancien compagnon d'Yves Saint Laurent. Et déplaire à Pierre Bergé, dans un contexte où Le Monde, dont Bergé est actionnaire, couvrait l'affaire Tapie, en faisant des articles sur Stéphane Richard, mis en cause dans l'affaire, ne semblait pas une bonne idée.

Médiapart estime qu'Orange «voulait s'attirer les bonnes grâces du quotidien». Et le site s'est procuré un message vocal laissé à Frédérique Dumas, alors directrice de la filiale cinéma d'Orange, par Xavier Couture.

«Oui, Frédérique, c’est Xavier, écoute, on discutait avec Stéphane, de la problématique du Monde au sens le plus large avant que, voilà, que j’essaie de convaincre les journalistes du Monde d’être un peu plus gentils avec Stéphane, et pas de faire un feuilleton avec une histoire qu’on aimerait bien voir retomber. Je pense qu’il serait utile de réfléchir à deux fois avant de financer le film sur Yves Saint Laurent qui est très contesté par Pierre Bergé comme tu le sais, voilà. Donc ça n’a pas un lien de cause à effet immédiat, mais je pense que c’est peut-être pas utile en ce moment de s’attirer les foudres de Pierre Bergé. Donc je ne sais pas où tu en es sur ce film. On me dit que Orange Studio aurait l’intention de le produire, or à ce stade Stéphane n’est pas vraiment favorable voilà, écoute tu peux me rappeler quand tu veux. Je t’embrasse.»

Xavier Couture, interrogé par Médiapart, qui lui a fait réécouter le message, rétorque après tergiversations:

«Je prends ça entièrement sur moi. Ça vous évitera d’appeler Stéphane Richard. D’ailleurs, on va s’en tenir à cette version: j’ai outrepassé mes droits en disant que Stéphane Richard était défavorable, alors qu’en fait, il n’était pas au courant.»

Finalement, Orange Studio a financé le film: Christophe Lambert, d’Europa Corp, coproducteur du film note que «ce film devait exister en dépit des pressions, au nom d’une certaine liberté du cinéma. Et sans Orange, il n’aurait pas vu le jour». La directrice Frédérique Dumas a depuis été remerciée. Orange assure que cela n'a rien à voir avec l'insistance de celle-ci pour financer le Bonello.

Ce n'est pas la première fois que Bonello voit son film confronté à des difficultés extra-artistiques. Depuis le début, Pierre Bergé, qui a donné sa bénédiction au projet concurrent, signé Jalil Lespert, a mené «une campagne très soutenue contre le projet de Bertrand Bonello», soulignait Libération en avril 2013. L'homme d'affaires voulait «interdire» le projet.

Le Monde rapportait ses propos en février dernier:

«J'ai appris par la presse que ce film était en préparation. J'ai écrit pour dire qu'il convenait qu'on me demande l'autorisation. Cela n'a pas été fait. J'attaquerai donc par voie de référé si le film sort.»

En attendant Saint Laurent continue de se tisser. La sortie est prévue pour le 1er octobre 2014. Peut-être que d'ici là, il sera sélectionné pour le festival de Cannes. A défaut d'avoir les faveurs des financiers et des gens de pouvoir, il aura peut-être celles de la critique.

cover
-
/
cover

Liste de lecture