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Chaque année, l'Académie suédoise, qui décerne le Nobel de littérature, lève le voile sur les personnalités proposées pour le prix cinquante ans plus tôt. Et la liste publiée ce jeudi 2 janvier 2014 sur le site officiel du prix contient une surprise de taille puisque l'on apprend que Charles de Gaulle, alors président de la République, faisait partie des candidats cités pour le prix en 1963.
Il figurait parmi 80 candidats, dont le comité tira une short-list finale de six noms: le futur lauréat, le poète grec Giorgos Seferis, choisi quasiment par consensus, Pablo Neruda et Samuel Beckett, qui se verront décerner le prix dans les années qui suivront, ainsi que le poète anglo-américain W.H. Auden, le romancier japonais Yukio Mishima et l'écrivain danois Aksel Sandemose.
Le journal suédois Svenska Dagbladet, qui a consulté les archives du prix, affirme que Vladimir Nabokov faisait aussi partie des personnalités proposées mais que le secrétaire perpétuel de l'Académie suédoise Anders Osterling jugeait l'auteur de Lolita «immoral». Il tiquait aussi sur les tendances politiques de Neruda ainsi que sur la candidature de Beckett, dont l'oeuvre était jugée trop «négative».
Charles de Gaulle, que nous citions l'an dernier dans les oubliés du Nobel de la paix, a été l'auteur de plusieurs ouvrages militaires (dont les plus célèbres sont probablement Le fil de l'épée et Vers l'armée de métier) et surtout des trois tomes des Mémoires de guerre, publiés entre 1954 et 1959 –les Mémoires d'espoir, consacrés à son action à l'Elysée, suivront peu avant sa mort. Des oeuvres aujourd'hui disponibles dans la célèbre collection La Pléiade.
Sur son site, la fondation Charles-de-Gaulle explique que «jusqu'en 1954, date de la parution du premier tome des Mémoires de guerre, Charles de Gaulle écrivain est à peu près inconnu du grand public. Peu de lecteurs ont eu, en effet, connaissance de ses quatre grands ouvrages et de la vingtaine d'articles antérieurs à la guerre. Et faute de publication d'ensemble, ses discours ne sont pas restés comme des œuvres écrites.»
En 2010, des professeurs de lettres s'étaient insurgés contre la mise au programme du bac littéraire des oeuvres de De Gaulle, provoquant des réactions en défense de personnalités comme Max Gallo, Pierre Assouline ou Bernard Pivot, qui avaient défendu «l'un des plus grands mémorialistes de notre histoire», «un monument» ou encore un style «flamboyant, grand siècle».
Charles de Gaulle n'aurait pas été le premier dirigeant politique à recevoir le prix Nobel de littérature: en 1953, cela avait été le cas du Premier ministre britannique Winston Churchill, récompensé, alors qu'il était encore en fonction au 10, Downing Street, pour «sa maîtrise de la description historique et biographique ainsi que pour ses discours brillants pour la défense exaltée des valeurs humaines».
Chaque année, le comité Nobel invite 600 ou 700 personnalités qualifiées à proposer des personnalités susceptibles de recevoir le prix, avant de progressivement réduire la liste jusqu'à l'annonce du lauréat (cette année, la romancière canadienne Alice Munro) en octobre. Il faut donc attendre cinq décennies avant que lesdites nominations soient rendues publiques.
L'an dernier, la publication de la liste des noms proposés pour le prix 1962 contenait déjà une révélation concernant la France, puisqu'on avait appris que le dramaturge Jean Anouilh avait raté de peu le prix au profit du romancier américain John Steinbeck. Comme le rappelle le site The Literary Saloon, l'ouverture des archives du comité sera particulièrement attendue l'an prochain, puisqu'elle portera sur le prix 1964, refusé par Jean-Paul Sartre.