Temps de lecture: 2 minutes
On voudrait presque voter pour lui. Dommage qu'il ne brigue aucun poste. Invité au festival de télévision d'Edimbourg, en Ecosse, l'acteur américain Kevin Spacey a prononcé un discours inaugural impressionnant. En pleine promotion de House of Cards (série chef d'oeuvre de Beau Willimon et David Fincher, qui sera diffusée en France à partir du 29 août, sur Canal+), il a défendu le modèle Netflix et expliqué que l'avenir de la fiction pouvait être radieux. A condition que les networks et les studios se mettent en adéquation avec leur temps.
Si vous avez un peu de temps, la version longue:
Si vous avez moins de temps un montage du Telegraph:
La culture du pilote
House of Cards, série distribuée par Netflix et mise en ligne d'un seul coup dans son intégralité sur la plateforme de films et séries, a transformé le modèle classique de production des séries. «Un changement de paradigme à Hollywood, où depuis plus de soixante ans, les chaînes de télévision conservaient la mainmise sur les séries sans se poser de questions» expliquait Olivier Joyard dans les Inrocks.
Traditionnellement, une série commence toujours par n'être qu'un pilote, présenté aux chaînes et très souvent refusé. Spacey, qui tient le premier rôle dans House of Cards, celui d'un homme politique machiavélique, critique cette culture du pilote qui, «d'un point de vue scénaristique, implique de passer 45 minutes à exposer tous les personnages, à mettre en place des cliffhangers, et à prouver que l'histoire va fonctionner», plutôt que de prendre son temps pour développer une histoire et des personnages progressivement, de façon plus riche et plus complexe.
La créatrice d'une autre série Netflix, Orange is the New Black, Jenji Kohan, a fait le même cheminement. Ayant d'abord vu HBO et Showtime, qui lui demandaient des pilotes, elle s'est finalement tournée vers Netflix. «Le truc le plus génial avec Netflix, c'est que j'ai présenté la série, et ils ont commandé 13 épisodes d'un coup, sans pilote», expliquait-elle ainsi à NPR. «C'est un miracle».
Kevin Spacey rappelle que «l'an dernier 113 pilotes ont été réalisés, dont 35 ont été diffusés, 13 ont été renouvelés mais ont pour la plupart depuis disparu. (...) Mais le coût de ces pilotes est entre 300 et 400 millions de dollars par an. Cela fait passer nos deux saisons de House of Cards pour sacrément rentables.»
La liberté du spectateur
Surtout, Spacey s'adonne à un vibrant plaidoyer pour le respect du spectateur et la mise en ligne de contenus accessibles facilement, à l'inverse d'une chronologie des médias traditionnels qui confine à la rétention de contenus:
«Le succès du modèle de Netflix, qui a mis en ligne toute la première saison d'un coup, prouve une chose: le public veut avoir le contrôle, il veut la liberté. (...) A travers cette nouvelle forme de distribution nous avons prouvé que nous avons compris les leçons que l'industrie de la musique n'avait pas comprises: donnons aux gens ce qu'ils veulent, quand ils le veulent, sous la forme qu'ils veulent, à un prix raisonnable. Et alors ils seront prêts à payer pour ces contenus plutôt qu'à les voler.»
Les plateformes, les différents supports (télévision, écran de cinéma, tablettes): tout cela n'a de sens que juridique ou marketing, pas artistique selon lui.
«[Les spectateurs] ne demandent qu'une chose c'est qu'on leur raconte [de bonnes histoires]. Alors ils en parleront, les regarderont compulsivement, les prendront avec eux dans les transports, les regarderont chez le coiffeur, les passeront à leurs amis, twitteront, blogueront, créeront des pages Facebook, de stupides Gifs, et tant d'autres choses! (...) Tout ce que l'on a à faire, c'est leur donner ces histoires.»
On aimerait entendre en France des personnalités du monde du cinéma ou des séries montrer autant d'enthousiasme vis-à-vis de plateformes Internet. On en est encore un peu loin.