Culture

Henri Alleg, l'auteur de «La Question», est mort

Capture d'écran de «La Question».
Capture d'écran de «La Question».

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Son nom ne dira sans doute pas grand-chose aux plus jeunes générations. Celles pour qui la guerre d'Algérie est l'affaire d'un autre siècle. Mais Henri Alleg, journaliste, écrivain franco-algérien –dont le vrai nom était d'ailleurs Harry Salem– a pourtant aidé à comprendre la réalité d'une époque où les choses étaient floues, secrètes, tues. Il a levé le voile sur la torture pendant la guerre d'Algérie, qu'il avait subie, en publiant La Question, en 1958, à 37 ans.

Un tout petit texte. D'une puissance inouïe: celle qu'a la violence, marque d'inhumanité, mise en mots, marques de la culture.

Dans un article consacré au livre, Jean-Paul Sartre écrivait en 1958: «Alleg nous épargne le désespoir et la honte parce que c’est une victime et qui a vaincu la torture... Nous nous fascinions sur le gouffre de l’inhumain... L’inhumain n’existe nulle part, sauf dans les cauchemars qu’engendre la peur. Et justement le calme courage d’une victime, sa modestie, sa lucidité nous réveillent pour nous démystifier: Alleg vient d’arracher la torture à la nuit qui la couvre.»

Le texte d'Alleg y décrivait ainsi les choses:

«Jacquet, toujours souriant, agita d’abord devant mes yeux les pinces qui terminaient les électrodes. Des petites pinces d’acier brillant, allongées et dentelées. Des pinces “crocodiles”, disent les ouvriers des lignes téléphoniques qui les utilisent. Il m’en fixa une au lobe de l’oreille droite, l’autre au doigt du même côté. D’un seul coup, je bondis dans mes liens et hurlai de toute ma voix. Charbonnier venait de m’envoyer dans le corps la première décharge électrique. Près de mon oreille avait jailli une longue étincelle et je sentis dans ma poitrine mon coeur s’emballer.»

A peine paru, aux Editions de minuit, le livre est censuré. René Coty est alors président. Interviennent auprès de lui, pour empêcher la censure, André Malraux, ou Jean-Paul Sartre. Rien. Mais deux semaines plus tard le livre est réédité en Suisse. Et la censure n'empêcha pas la vente de 150.000 exemplaires ni que le silence tombe.

Harry Salem est mort le 17 juillet. Il aurait eu 92 ans trois jours plus tard.

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