Culture

Top 5 des meilleurs livres de l'année 2012

Vous avez de la chance, cette année, il n'y a pas eu tellement de chefs d'oeuvres, la liste sera plus courte.

<a href="http://www.flickr.com/photos/charlymorlock/5175026269/">Novela de amor / Book of love Par Charly Morlock via Fickr License CC.</a>
Novela de amor / Book of love Par Charly Morlock via Fickr License CC.

Temps de lecture: 4 minutes

Les copains, on ne va pas se mentir, l'année se termine, et vous, vous avez lu quoi... quatre ou cinq livres en 2012? Dont Fifty Shades en cachette dans les transports et un vieil Harlan Coben sur la plage cet été. Et c'est en admettant que vous n'ayez pas été happés par la lecture d'autres trucs (nos articles merveilleux par exemple), que vous n'ayez pas trop d'enfants, pas trop de travail, pas trop de séries à regarder, pas trop de sommeil en retard...

Ça fait beaucoup de conditions.

Là, vous avez des vacances (vous avez au moins quelques jours non?), comme une session de rattrapage sur votre retard. Vous avez de la chance, cette année, il n'y a pas eu tellement de chefs d'oeuvres, la liste sera plus courte. Ce n'est pas une liste exhaustive de tous les bons livres de l'année, c'est une brève liste de cinq livres qui font que la vie n'est pas tout à fait la même après. (Elle est mieux).

1. Certaines n’avaient jamais vu la mer, de Julie Otsuka

C'est l'histoire de Japonaises qui émigrent aux Etats-Unis, elles embarquent sur des paquebots pour épouser des hommes qui leur promettent une vie meilleure et qu'elles rejoignent dans les champs de coton pour travailler dans des conditions misérables. C'est leur histoire racontée comme de la poésie en prose, dans un texte court et incandescent, à la première personne du pluriel:

«Sur le bateau nous étions presque toutes vierges. Nous avions de longs cheveux noirs, de larges pieds plats et nous n'étions pas très grandes. Certaines d'entre nous n'avaient mangé toute leur vie durant que du gruau de riz et leurs jambes étaient arquées, certaines n'avaient que quatorze ans et c'étaient encore des petites filles. Certaines venaient de la ville et portaient d'élégants vêtements, mais la plupart d'entre nous venaient de la campagne, et nous portions pour le voyage le même vieux kimono que nous avions toujours porté –hérité de nos soeurs, passé, rapiécé, et bien des fois reteint. Certaines descendaient des montagnes et n'avaient jamais vu la mer, sauf en image, certaines étaient filles de pêcheur et elles avaient toujours vécu sur le rivage.»

2.Qu’avons-nous fait de nos rêves? de Jennifer Egan

C'est l’histoire de gens qui gravitent autour de l'industrie musicale, de gens qui ont réussi, échoué, vont réussir ou échouer, et de leur rapport au temps, au souvenir. C'est un peu «Et si on se donnait rendez-vous dans dix ans», si Mozart avait composé la musique, et que les paroles étaient expérimentales, vous voyez? C'est Proust à l'ère du punk-rock.

«Rolph sent sa timidité se dissiper miraculeusement, comme s’il grandissait en ce moment précis, sur la piste, pour devenir un garçon capable de se trémousser avec des filles telles que sa sœur. Charlie s’en rend compte. D’ailleurs, ce souvenir le hantera le restant de ses jours, longtemps après que Rolph se sera fait sauter la cervelle, à vingt-huit ans, dans la maison de leur père: son frère, les cheveux lissés, les yeux pétillants, apprenant à danser.»

3.L'Art du jeu, de Chad Harbach

On vous dira que c'est une histoire de baseball. Ne le croyez-pas. C'est une histoire de passage à l'âge adulte, d'angoisses existentielles, de peurs et de barrières psychologiques. C'est l'histoire d'un gamin, Henry, qui a le pouvoir de tout réussir mais pourrait bien échouer, et il se trouve que tout cela se passe sur un terrain de baseball et autour, sur le campus d'une université américaine. C'est l'histoire d'Henry, et celle de Mike, celui qui a découvert son talent, l'a aidé à éclore, mais qui en est dépourvu, celle aussi de Guert Affenlight, président de l'université qui sombre dans des amours interdites, celle de Pella, fille du président, enfant gâtée qui aimerait se définir autrement que cela. Jonathan Franzen a résumé le sentiment que le livre procure. Il dit qu'une fois la lecture terminée, le roman a «laissé un petit trou dans [s]a vie, à la manière des très bons romans».

4.Anima, de Wajdi Mouawad

Disons-le clairement, si c'est pour votre petit soeur de 12 ans, ou votre grand-père un peu fragile du coeur, c'est pas la peine, passez au point 5. Ce roman déchirant est d'une violence rare. Mais, dans cette histoire d'un homme à la recherche du meurtrier de sa femme, et de ses racines et de ses traumatismes d'enfance par la même occasion, l'intelligence du récit est à la hauteur de sa violence. C'est une expérience littéraire rare. Mais il ne faut pas avoir peur. Ainsi à quelques phrases de la première on peut lire:

«Ils avaient tant joué à mourir dans les bras l’un de l’autre, qu’en la trouvant ensanglantée au milieu du salon, il a éclaté de rire, convaincu d’être devant une mise en scène (…). Lâchant le sac plastique jaune, le matin même elle lui avait dit de sa voix enjouée Tu achèteras du thon car-le-thon-c’est-bon, il comprenait qu’elle était morte puisqu’elle avait les yeux ouverts, le regard fixe et tenait, entre ses mains, sa blessure, le couteau planté là dans son sexe.»

5.L'Urgence et la Patience, de Jean-Philippe Toussaint

C'est un essai, et un hommage à la littérature –elle en est avide. L'auteur de La Salle de Bain y raconte ce qu'est l'écriture, l'élaboration d'un texte, l'arrivée des lettres, en tête, en bouche, la naissance au monde des mots. Il écrit: «Je ne dessine pas les plans de mes hôtels avant de les construire, mais presque toujours je les vois, comme dans un rêve, les hôtels de mes livres sont des chimères d’images, de souvenirs, de fantasmes et de mots.» Il écrit:

«L’urgence, qui appelle l’impulsion, la fougue, la vitesse —et la patience, qui requiert la lenteur, la constance et l’effort. Mais elles sont pourtant indispensables l’une et l’autre à l’écriture d’un livre, dans des proportions variables, à des dosages distincts, chaque écrivain composant sa propre alchimie, un des deux caractères pouvant être dominant et l’autre récessif, comme les allèles qui déterminent la couleur des yeux».

Charlotte Pudlowski

PS: Evidemment, il y a eu d'autres bons livres cette année. Il y a eu un nouveau Modiano, L'herbe des nuits, c'est toujours très beau, mais vous connaissez ce monde fait de brume et de fantômes, c'est celui de La Place de l'Etoile, Livret de Famille, ou même du si beau Catherine Certitude. Toni Morrison et Jean Echenoz ont aussi publié de nouveaux romans. En moins classique il y a eu un nouveau roman de Jonathan Dee: La Fabrique des Illusions. Surtout il y a eu Nemesis. Mais ce pourrait bien être le dernier de Philip Roth, prenez donc le temps de le savourer.

PS2: Si vous devez faire un cadeau à quelqu'un que vous n'aimez pas, offrez-lui Fifty Shades of Grey. Vous lui ferez perdre de précieuses heures alors qu'il/elle, aurait pu regarder un petit porno vite fait et se consacrer aux cinq livres ci-dessus.

PS3: Rien à voir mais bon, c'est Emmanuel Carrère qui a co-écrit le scénario donc, hop, la voici sur le blog livres: la MEILLEURE série de l'année: Les Revenants.

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