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Ils ont filmé la fin du monde: une nouvelle civilisation [7/7]

L’omniprésence contemporaine des machines et la dépendance que l’homme a développé vis-à-vis d’elles expliquent pour une bonne part la paranoïa qu’elles provoquent.

«Terminator 3» © Columbia TriStar Films
«Terminator 3» © Columbia TriStar Films

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Dès ses balbutiements, le cinéma s’est intéressé au spectacle de la destruction à grande échelle. Au fil des décennies, la thématique s’est complexifiée. De la démolition matérielle tombée du ciel (la vengeance divine), on est passé à la pandémie (l’homme autodestructeur engendre sa propre fin), puis le septième art a imaginé le monde d’après, au choix, un univers post apocalyptique barbare, une nouvelle civilisation dominante non humaine ou un désert absolu excepté un unique survivant. Certains films ont même montré l’impossible, l’impensable: la fin de la Terre, sa disparition totale et définitive. Mais d’autres envisagent une passation de pouvoir entre notre espèce et une nouvelle, vouée à nous dominer jusqu’à sa propre apocalypse. Dès lors, on peut s’interroger sur qui pourrait nous remplacer. Voici donc le septième et dernier volet de notre sélection non exhaustive du cinéma de l’apocalypse.

Un des scénarios les plus communément admis voit l’avènement des machines. En 1978, à la télévision, ce sont les Cylons qui tentent d’organiser un putsch pour déboulonner l’humanité de son piédestal.

Dans Galactica (et son remake Battlestar Galactica en 2004), ces robots créés par les hommes se rebellent et mettent à sac la planète, obligeant les Terriens à quitter fissa leur Home Sweet Home.

Errant dans la galaxie à la recherche d’un nouveau lieu accueillant, les survivants sont pourchassés par les Cylons, déterminés à les exterminer. Cette vision d’une technologie maligne, désireuse de s’affranchir de son créateur, représente un motif récurrent de la littérature SF tout autant que du cinéma.

L’omniprésence contemporaine des machines et la dépendance que l’homme a développé vis-à-vis d’elles expliquent pour une bonne part la paranoïa qu’elles provoquent. L’idée que l’élève finit par dépasser le maître donne du grain à moudre à cette théorie.

Inventées et paramétrées par l’homme pour l’homme, ces machines inspirent cependant la crainte quant à leurs capacités intuitives grandissantes. De publicités qui vantent des appareils aptes à choisir à votre place la photographie à prendre, aux humanoïdes nippons, troublants de réalisme, l’intelligence artificielle est déjà partout. De là à imaginer qu’elle puisse un jour nous surpasser et chercher à nous éradiquer, il n’y a qu’un pas que le septième art se plaît à franchir.

Mais le grand penseur cinématographique de l’intelligence artificielle et de son potentiel désir d’en découdre avec l’homme se nomme James Cameron. Lorsqu’il réalise Terminator en 1984, les machines ne sont pas encore devenues omniprésentes, comme elles le sont aujourd’hui, et pourtant son film marque les esprits.

Si le monde post apocalyptique dirigé par les robots n’est qu’entrevu dans les deux premiers Terminator, il est l’enjeu narratif majeur de la franchise. L’humanité, coupable d’avoir créé un monstre technologique devenu incontrôlable, doit faire face à la volonté d’émancipation de la créature sur son créateur.

Terminator, comme tous les films mettant en scène une intelligence artificielle en rébellion, revisite le mythe de Frankenstein. L’ère moderne introduit simplement la donnée technologique et donne une identité à la nouvelle menace qui pèse sur l’homme, à savoir la machine.

Le chaînon manquant

Si l’homme s’est imposé parmi les primates comme dominant son environnement, Franklin J. Schaffner, en adaptant le roman de Pierre Boulle, inverse le rapport de force dans La Planète des singes.

Dans un avenir indéterminé, la Terre est dominée par des singes. Bipèdes, civilisés (préceptes religieux, mythologie, architecture, pouvoir hiérarchique...), les primates ont asservi les hommes, devenus muets, primitifs, en un mot: animal.

Ce monde inversé bouscule nos classifications habituelles. Alors que l’humanité se suppose dominante sur toutes les autres espèces, car elle a su maîtriser et asservir la nature à ses besoins, la proposition du roman (et du film) tourneboule les idées reçues. Les dominants, quelle que soit leur puissance, n’ont pas vocation à le rester indéfiniment (la disparition des dinosaures en est une preuve flagrante).

L’apocalypse est la fin du monde des êtres humains. Relativisant notre suprématie, La Planète des singes invite le public à une certaine humilité, au cas où les oppresseurs deviendraient les opprimés.


La planète des singes (1968) - trailer par enricogay

La faim du monde

Nettement moins crédible mais tout aussi glaçante pour notre avenir, la proposition de Michael Spierig dans Daybreakers (2009) fait froid dans le dos.

A la suite d'une pandémie, la population mondiale, dans son immense majorité, est devenue suceuse de sang. Les vampires, désormais dominants, considèrent les hommes, au mieux comme de la vermine à exterminer, au pire comme une source alimentaire. De maître du monde, ce qu’il reste de l’humanité ne représente plus qu’un garde-manger ambulant. Asservis, molestés, déconsidérés, les humains sont les figures expiatoires des péchés qu’ils ont commis du temps de leur grandeur. Retour de bâton sacrément violent pour ceux qui ont longtemps cru que leur situation de dominance était acquise.


daybreakers _ bande annonce VF par metropolitan_filmexport

D’autres exemples illustrent cette réification de l’homme (considéré comme un esclave ou de la nourriture), comme la série télévisée V qui narrait le débarquement d’aliens sur Terre. Sous couvert de discussion diplomatique entre les deux races, les êtres humains étaient enlevés et venaient grossir les réserves alimentaires des extraterrestres.


Générique de la Série 'V' 1994 M6 par BASF13

Cette vision utilitariste du corps humain reflète notre peur la plus profonde. Imaginer que notre chair peut être profanée à des fins gastronomiques se double d’un assujettissement préalable de la race humaine: élevée comme du bétail, nourrie en vue d’être ingérée, abattue à la chaîne comme un vulgaire animal. Ces choix scénaristiques replacent l’homme à son rang de mammifère et de proie potentielle, ils industrialisent notre mort, comme nous l’avons fait pour d’autres au cours de notre histoire.

Ces films post apocalyptiques qui annihilent le règne humain au profit d’une nouvelle race flirtent parfois avec une anticipation crédible ou optent pour une variation totalement farfelue, mais l’essence de leur réflexion demeure la mort annoncée de notre civilisation.

Car si le monde ne tombe pas en miette ce 21 décembre, nos sociétés, elles, disparaîtront un jour. Reste à savoir qui nous dominera le moment venu...

Ursula Michel

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