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Dans les anciennes mythologies nordiques, on trouve plein d’histoires à propos des os. L’Edda de Snorri, l'un des chef-d’œuvres de la littérature norroise rédigé au XIIIe siècle, présente par exemple l’histoire qui suit.
Un jour, le dieu Thor descend sur terre, accompagné de Loki et de deux chèvres. Au coucher du soleil, ils sont hébergés pour la nuit chez des paysans du coin. Thor tue les chèvres, les écorche, les cuisine et invite ses hôtes à partager le dîner. Avant de se mettre à table, il donne une consigne importante aux convives: ils peuvent tout manger, mais les os doivent rester intacts. Tout le monde savoure le repas, puis se prépare pour la nuit. Avant d’aller se coucher, Thor prend les os des chèvres et les remet dans leur peau.
Le lendemain, les chèvres ont ressuscité. Les dieux s’apprêtent à repartir, mais Thor remarque que l'une des chèvres boitille: quelqu’un avait cassé l’os du jarret pour en manger la succulente moelle. Avec des os abîmés, il était impossible de ressusciter proprement les bêtes. Le dieu se fâche, maudit la famille, convoque une tempête et fait toutes les choses que font les dieux quand on les énerve.
Ce genre d’histoires est également présent dans Beowulf, dans lequel les os et la moelle sont une nourriture réservée aux divinités que l'on ne peut pas non plus toucher.
Selon les recherches historiques, le tabou des os et de la moelle s’est ensuite répandu dans le sud de l’Europe grâce à un peuple assez particulier, les Lombards. Originaires de Scandinavie, les Lombards ont au fil des siècles traversé tout le continent, arrivant même à franchir les Alpes pour s’installer au Ve siècle dans le nord de l’Italie –où la situation politique était, comme c’est souvent le cas, assez bordélique. Les Lombards s’installent pour de bon et leur culture se dissout dans celles des envahisseurs suivants.
De ce peuple ne reste que le nom de la plus grande région de l’Italie du nord, qui s’appelle évidemment la Lombardie –et qui est accessoirement celle où je suis né.
Permettez-moi de trouver assez curieux que l'un des plats les plus célèbres de cette région soit une viande avec un bout d’os cassé au milieu.
À la boucherie, demandez impérativement de l’ossobuco de veau et non de boeuf, et précisez qu’il soit tiré des quartiers postérieurs et non des antérieurs –qui sont très nerveux et plutôt destinés au pot-au-feu ou à la confection d'un bouillon.
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Ossobuco à la milanaise
Il est très important de terminer la cuisson au four plutôt que sur le feu, parce que l’eau frémissante ferait sortir la moelle dans la sauce, vous privant de la moitié du jeu.
Pour deux personnes, en plat, avec de la purée, de la polenta ou, selon la tradition, du risotto au safran
- 2 ossobuco de veau
- 50g de beurre
- 1 cuillère à soupe d’huile d’olive
- Farine blanche
- 1 carotte
- 1 oignon
- 1 petit morceau de céleri
- 2 grands verres de vin blanc, que vous n’hésiterez pas à boire
- 1 cuillère à café de sel non raffiné
- Poivre du moulin
- 1 bouquet de persil frais
- Le zeste d’un citron jaune non traité
- 1 gousse d’ail
Pour la viande
Faites des petites incisions sur le bord de chaque ossobuco: cela permettra à la viande de rester bien plate à la cuisson. Passez les deux morceaux dans la farine.
Dans une casserole bien épaisse, faites fondre le beurre avec l’huile jusqu’à qu’il soit mousseux, puis saisissez les morceaux dans la casserole, trois minutes de chaque côté. Retirez les morceaux.
Allumez le four à 180°C.
Coupez grossièrement la carotte, l’oignon et le céleri, et faites-les revenir dans la même casserole cinq minutes. Remettez la viande dans la casserole et déglacez avec le vin blanc. Salez, poivrez et laissez cuire cinq autres minutes.
Si votre casserole est en fonte (ou en tout cas du genre qui va au four) et si vous avez un couvercle, vous pouvez la couvrir et terminer la cuisson au four. Si vous n’avez pas ce genre de matériel, posez le tout dans un plat à four aux bords assez hauts et couvrez avec de l’aluminium.
Enfournez trente minutes dans les deux cas. La cuisson dépend un peu de l’âge du veau et de l’épaisseur des tranches: la viande doit être tendre mais pas complètement déliée, elle doit juste commencer à se détacher de l’os.
Pour la gremolada
Pendant que la viande cuit, préparez la gremolada: il s'agit d'une sorte de persillade citronnée, qui relève magnifiquement la texture gélatineuse de l’ossobuco et son goût très riche et gras.
Effeuillez le persil, rincez-le et séchez-le soigneusement avec du papier absorbant. Hachez-le au couteau avec l’ail et le citron, et réservez le tout dans un bol.
Quand la viande est cuite, parsemez de gremolada et servez avec des petites cuillères à café pour récupérer la moelle.