Un aller pour la terre
«Loustaracq ce n’est pas bien grand. C’est un de ces villages qui prend la départementale pour sa grande rue, dont les trottoirs ont une utilité assez théorique la plus part de l’année. Les habitants s’y déplacent en voiture et les habitants savent combien ils sont, à l’habitant près. Le Maire n’est pas seulement Maire, il élève surtout des volailles sur son coin de colline. À Loustaracq on peut se donner trois points de rendez-vous le long de la départementale. La Mairie, qui porte ses petits drapeaux, ses lettres en fer forgé et sa vieille boite aux lettres, c’est sa façon d’essayer d’être un peu plus que n’importe quelle autre maison de la rue. A côté, il y a l’école primaire, son unique classe et sa courette. On est content d’entendre crier les mômes parce qu’on se demande combien de rentrées elle abritera encore et ça donne presque envie de faire des petits juste pour peupler la marelle. Un peu plus loin, après l’église toujours fermée, il y a le garage Peugeot. C’est le dernier commerce qui a survécu et c’est aussi le refuge du dernier salarié de Loustaracq, Émile. Quand Émile n’est pas plié dans un moteur, il est assis dans sa cuisine à taquiner les hôtes et le cubi de rosé. À Loustaracq enfin, il y a le monument aux morts, seul monument d’ailleurs, avec ses 4 obus, son piédestal et sa Jeanne d’Arc de bronze vert, qui n’est pas franchement du coin, mais passons. D’ailleurs à Loustaracq, on ne fait souvent que passer, à moins d’y vivre ou d’avoir une bonne raison de serrer le frein à main.»