Comment nos prénoms nous trahissent parfois

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Comment nos prénoms nous trahissent parfois

Désirée a toujours été avide de l'amour de sa mère. Quand celle-ci lui parlait, lui accordait sa confiance, lui racontait des histoires, Désirée était toujours émue, flattée. Petite, elle n'a pas toujours vécu avec ses parents, elle a été en pension, dans la même ville. Alors quand sa mère décidait de l'emmener, exceptionnellement, à son cours de danse, ou de lui conseiller un livre particulier, Désirée avait le sentiment de vivre quelque chose de spécial.

En grandissant, sa mère s'est mise à lui raconter des histoires sur son passé, sur son histoire, dans le monde des années 50, 60, où les femmes n'avaient pas les droits d'aujourd'hui. Où elles n'étaient jamais libres.

Au fur et à mesure des années, certaines histoires se répètent, certains motifs reviennent, comme des informations distillées, sur son identité. Jusqu'à ce qu'un jour Désirée découvre une lettre, et qu'elle comprenne l'origine de son prénom.

Les noms sont chargés d'inconscients, mais lesquels? Ceux des parents, qui donnent les prénoms, ceux des personnes qui les habitent. Ceux des figures –littéraires, médiatiques, cinématographiques, mythologiques– qui les portent. Les noms créent des mythes.

Celui de Désirée parle autant de ses parents, que d’elle. Il parle autant d’incapacités que du pouvoir performatif du langage.

La mère de Désirée lui parlait, racontait très bien les histoires, elle l’a nommée d’après la leur. Elle lui a appris son passé grâce à des récits, puis un livre, puis une lettre. Par des mots toujours, écrits souvent. Désirée dit d’ailleurs que la seule vraie relation qu’elle a eu avec ses parents, c’était par les livres.

Désirée contenait dans son nom la guérison de son histoire –les noms permettent d'«accumuler du rêve», d'«aimanter» les désirs, dit le narrateur d'A la recherche du temps perdu dans Noms de pays: le nom. Mais s’il y a des prénoms qui ratent, le sien a raté, elle ne s’est pas sentie aimée. Peut-être parce que son prénom n’a été finalement son vrai prénom qu’une fois partie de la maison:

«Ma mère a jamais réussi à m’appeler Désirée, je me suis appelée Dédé jusqu’à ce que je quitte la maison»

 

Écoutez Désirée raconter son histoire dans le player ci-dessous. Un épisode signé Agathe Le Taillandier:

Si vous avez des histoires, écrivez-nous à [email protected]

Et pour écouter l'autre podcast de Slate, Les Sales gosses, où Nadia Daam et Philippe Grimbert se racontent des secrets de famille, c'est ici.

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