En mars 1962, au terme de huit années de guerre d'indépendance, les accords d'Évian mettent fin à 132 ans de colonisation française en Algérie. Soixante ans plus tard, les fractures consécutives à cette époque traversent encore la société française.
Dans les mémoires de celles et ceux qui l'ont vécu d'abord, comme René, pied-noir qui a fui en France en 1962. Dans 52-62, mon enfance en Algérie, il raconte ses souvenirs d'Algérie au micro de sa fille journaliste, et donne à entendre la guerre et le déracinement à hauteur d'enfant. Pour Yvonne, l'histoire est différente mais la finalité est la même: en 1962, elle a quitté Oran pour la France sur un bateau bondé. «C'est pas beau la guerre», raconte-t-elle pudiquement au micro de Mamie dans les orties. À son arrivée à Marseille, cette jeune maman a dû reconstruire toute une vie en France.
D'autres se sont retrouvés happés malgré eux dans le sillage de cette guerre. Alors qu'il milite à gauche, Me Henri Leclerc se voit désigné avocat commis d'office pour défendre un membre de l'Organisation armée secrète (OAS), groupe armé qui lutte contre l'indépendance de l'Algérie. Très vite, un lien humain se noue entre l'avocat et son client, malgré leurs divergences politiques. «Il était originaire d'un village qui était près de l'endroit où j'avais fait mon service militaire», se souvient l'avocat, soixante ans plus tard. «Nous étions soumis à des contradictions complexes dans ce temps-là» ajoute-t-il au micro de Margaux Lannuzel dans Mon client et moi.
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Ces contradictions perdurent, surtout pour les petits-enfants d'immigrés algériens qui n'ont pas vécu la guerre. Dans Au nom de Safia, la journaliste Safia Kessas part sur les traces de sa tante morte en Algérie, dont elle ne sait rien si ce n'est qu'elles partagent le même prénom. Pour la romancière Alice Zeniter aussi la mémoire familiale a été étouffée, autour de son grand-père harki. Alors elle a décidé d'écrire L'art de perdre, roman-fleuve sur le destin d’une famille kabyle sur trois générations –des années 1940 à nos jours.
Peut-être le succès de ce roman, prix Goncourt des lycéens 2017, aidera-t-il à panser les plaies de la guerre d'Algérie? Aujourd'hui, les blessures de cette période sont encore à vif, comme l'expliquent Alain Frachon, Jean-Marie Colombani et Christophe Carron dans Le monde devant soi. Aidé par l'historien Benjamin Stora, peut-être Emmanuel Macron (premier président né après les accords d'Évian) parviendra-t-il à apaiser les tensions mémorielles? Dans Expliquez-nous le monde, le journaliste Nicolas Poincaré en doute: «Ce n'est pas avec l'Algérie qu'on essaye de se réconcilier, c'est avant tout avec nous même.»
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