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Dans La Condition pavillonnaire (Noir sur Blanc, 2014), Sophie Divry suit, sur toute une vie, les désirs puis l’ennui métaphysique d’une femme incapable de se dire heureuse. Demandez le programme : « D’abord devenir propriétaire, puis aménager, puis se reproduire » dans la « voie sans issue » du pavillon familial. Hélas, au sein de ce faux remake contemporain de Madame Bovary, M. A. déprime sec, dans la cuisine aussi fort qu’au boulot. Elle cherche des exutoires (yoga, adultère, engagement dans l’humanitaire) en imaginant combler la « béance » de son existence par un « capital de sensations pures » ; elle veut que la société la « remplisse ». « Cela pose la question du bonheur », dit l’autrice, de « l’idéal d’une vie réussie ». M. A. a fait tout ce que la société lui demandait, mais à mi-parcours, « elle ne sait plus quoi faire d’elle-même ».
Ce grand roman triste (vendu à seulement 8000 exemplaires) remportera la mention spéciale du prix Wepler. La densité de son regard, sa puissance émotionnelle, son acuité psycho-sociologique qui emprunte autant à Simone de Beauvoir qu’aux Choses de Georges Perec, font que la tentation d’offrir en masse une telle œuvre est énorme. Mais on hésite : cette histoire ordinaire pourrait bien flinguer le moral de personnes persuadées d’être « normales ». Pour encourager les indécis.es qui risqueraient de louper l’un des romans français majeurs de la décennie, où chaque phrase semble abriter « une bombe », visitons sans condition, dans ce deuxième épisode, toutes les pièces de ce pavillon.
Crédits:
Enregistrements : avril 2021.
Entretien, découpage : Richard Gaitet.
Lectures : Chloé Assous-Plunian, Christophe Brault, Emma Broughton.
Prise de son, Montage : Sara Monimart.
Réalisation, mixage : Charlie Marcelet .
Musiques originales : Samuel Hirsch.
Flugabone : Brice Perda.
Illustration : Sylvain Cabot.
Production : ARTE Radio.